Si vous cherchez une porte d’entrée à l’univers de Jack Kerouac, alors autant le dire d’emblée Sur le Chemin n’est pas fait pour vous. A l’inverse, si vous êtes (très) déjà familier de l’auteur, si vous cherchez le maillon manquant dans le grand œuvre, une sorte de pierre de Rosette qui donnerait la clé de chiffrage, alors là Sur le Chemin est une petite mine d’or.
En pleine création de Sur la route au début des années 1950, Jack Kerouac rédige un court roman qui explore l’enfance des personnages de son chef-d’œuvre. Sur le chemin dépeint un certain Ti-Jean, double fictionnel de Kerouac, âgé de treize ans, qui rencontre le petit Dean Pomeray, avatar de Dean Moriarty. Les deux gamins déjà abîmés par la vie se rencontrent par hasard dans un loft miteux de Chinatown, alors que leurs pères s’adonnent à une longue nuit décadente, faite d’ivresse et de poker.
Sur le Chemin est donc un prequel (pardon pour l’anachronisme) à Sur la Route, un travail exploratoire, une parenthèse. Si les décors et les personnages sont connus, l’originalité fondamentale du roman tient dans la langue utilisée : le joual. Sorte de patois oral québécois mêlant français et anglais, plus phonétique que rédigé. C’est déroutant, il faut se forcer à lire presque à haute voix, pour resituer l’oralité totale de cette langue inconnue. Mais, pour peu qu’on fasse l’effort, on a l’impression d’entendre Kerouac comme s’il était à côté de nous, sentiment étrange de proximité.
Et si jamais cette langue était une barrière à la lecture, les quelques dizaines de pages en « anglais rédigé » justifient à elles seules la lecture.
Bref, Sur le Chemin, c’est un petit livre pour les amoureux de Kerouac, un cadeau de Noël idéal pour ceux qui rêvent toujours de Dean Moriarty et de Sal Paradise.