Les hypermarchés perdent de leur superbe. Ces très grandes surfaces popularisées dans les années soixante souffrent aujourd’hui d’une image peu reluisante, associées dans l’imaginaire des clients à une surconsommation polluante. De plus, la concurrence croissante du e-commerce et des enseignes spécialisées poussent les hypermarchés à réduire leurs marges. Afin d’assurer la pérennité de leur modèle, les acteurs de la distribution utilisent tous les moyens, même illégaux, comme le montre le documentaire « Hypermarchés, la chute de l’empire » réalisé par Remi Delescluse.
Selon plusieurs économistes, la toute-puissance des hypermarchés serait menacée d’ici dix ans. En effet, la multiplication des commerces de précision, qui se spécialisent dans la vente de certains articles, remet en cause le concept de « tout sous le même toit » qui a fait la gloire des hypermarchés. De plus les enseignes de e-commerce viennent aussi proposer une offre à la fois plus large et plus précise aux clients. Ainsi tous ces facteurs réduisent dorénavant les marges des hypermarchés sur les produits non alimentaires. C’est le cas pour les articles de beauté, l’électroménager, l’électronique, le jardinage, le bricolage ou les vêtements. Un phénomène qui pousse le cofondateur de l’OBSOCO, Philippe Moati, à prédire la domination prochaine des nouveaux concurrents. En France, Amazon détient déjà « 10% du marché des produits de grande consommation » rappelle l’économiste.
« Ce qui est important c’est de briser les jambes des fournisseurs. Une fois au sol, on commence à négocier »
Désormais, les géants de la distribution cherchent donc « à sauver ce qui peut l’être » affirme Remi Delescluse. « A savoir le commerce des produits alimentaires » précise le documentariste. Dans cette optique, certaines firmes versent dans des pratiques qui frisent l’illégalité. Pour obtenir des prix toujours plus bas, sans lesquels elles seraient désertées, les grandes enseignes mettent les fournisseurs sous pression. Dans le documentaire Remi Delescluse interroge des témoins qui évoquent des entretiens « particulièrement difficiles ». Selon eux, les négociations se font parfois « dans des box minuscules à la température trafiquée avec des chaises bancales sabotées pour l’inconfort ». D’autres encore affirment avoir été victimes de « discriminations sexistes ou encore des violences verbales ».
Le réalisateur rapporte aussi les propos de Marwan Mery, expert en négociation d’ADN Group. Ce dernier rapporte les paroles scandaleuses tenues par le directeur d’un groupe de la grande distribution pour illustrer la violence des négociations entre les acheteurs et leurs fournisseurs : « Ce qui est important, c’est de briser les jambes des fournisseurs. Une fois qu’ils sont au sol, on commence à négocier ». Le pouvoir de la grande distribution est tel que « les marques peuvent rapidement ressentir une impression d’invulnérabilité » déplore Marwan Mery.
Les hypermarchés intimident avec les centrales d’achat
Malgré toutes les lois nationales ou européennes pour améliorer la rémunération des fournisseurs, l’influence des hypermarchés demeure importante. Un phénomène qui s’explique par le fait que les enseignes de grandes surfaces diligentent les centrales d’achat. Au fondement de la plupart de ces entités, on trouve effectivement les français Carrefour, Intermarché, Auchan, Leclerc ect… Or, le rôle des centrales d’achat est justement de faire l’équilibre entre les fournisseurs/vendeurs et les magasins qui vont acheter les produits pour les revendre. Cependant les hypers se servent de leur influence pour bénéficier de fortes ristournes sur les prix. Ainsi, même Danone, en 2018, a perdu son bras de fer face à la centrale AgeCore (24.000 magasins, dont ceux d’Intermarché…).
Les autres victimes de ce système sont les propriétaires de boutiques franchisées. Ces gérants s’occupent de magasins indépendants qui portent tout de même le nom d’un hypermarché. Ces derniers vont payer leur approvisionnement plus cher auprès des centrales d’achat par rapport à un établissements affilié directement à l’enseigne. Dans le documentaire, les commerçants assurent, factures à l’appui, que la maison mère leur vend les produits bien trop chers.