La vie d’entrepreneur est pleine de rebondissements. Entre incubation, levée de fonds et cession, c’est un parcours mouvementé, souvent indépendant de notre volonté. Et parfois, se lancer dans l’entrepreneuriat découle d’expériences personnelles et professionnelles qui nous poussent à répondre nous-même à une problématique spécifique. C’est comme cela que Frédéric Salles a créé Matooma, puis récemment SCOP3, après un retour en incubateur. Portrait d’un parcours atypique.
Qu’est-ce qui vous a poussé à démarrer l’aventure entrepreneuriale ?
Avant de me lancer, j’étais ingénieur informatique chez un opérateur téléphonique, plus précisément responsable de marché IoT. Je m’occupais alors de cartes SIM dédiées à l’utilisation des objets connectés.
J’ai rapidement compris qu’il y avait deux problématiques importantes :
- Le manque de couverture de réseaux pour la transmission de données collectées par les clients
- La gestion du parc de boitiers connectés en vue de leur nombre important et par manque d’outils spécialisés.
Fort de ce constat, j’ai pris l’initiative de monter le projet afin de le présenter en interne. Ce dernier a été refusé, par manque de compréhension de l’importance de faire bouger les choses sur ce sujet. Pourtant le problème était bien là, et il fallait faire quelque chose pour le solutionner.
En 2012, je choisis de démissionner et je lance Matooma. Après 2 ans, nous avons levé 1 million d’euros et tout se passait pour le mieux, jusqu’à la revente de la start-up.
Pourquoi avoir revendu Matooma ?
« Je ne l’ai pas décidé, c’était inhérent aux startups »
Lors de cette levée de fonds, le contrat stipulait que le fonds d’investissement était là pour 5 ans. Ils se laissaient donc la possibilité au bout de ces 5 années de continuer (ou non) l’aventure avec nous. On savait donc qu’en 2019 notre fonds d’investissement pouvait sortir de notre capital pour récupérer la plus-value, et ce fût le cas.
Nous nous sommes ensuite tournés vers une banque d’affaires parisienne spécialisée dans les startups. Elle nous a permis d’entrer en contact avec de nombreux fonds d’investissement qui se sont positionnés sur notre offre.
En parallèle, le directeur général de notre plus grand concurrent m’a contacté pour m’annoncer qu’il souhaitait devenir leader européen sous 3 ans. Il venait également de lever des centaines de millions d’euros. Cela annonçait donc le début d’une bataille à la levée de fonds pour devenir le n°1 du marché.
Deux solutions s’offraient à moi : rester seul en Europe avec mon financement face à une entreprise qui allait racheter toute la concurrence, ou accepter sa proposition d’acquisition et rejoindre ce groupe européen pour devenir le plus grand groupe sur le marché de l’IoT. Nous n’avions donc pas vraiment le choix. En accord avec mes actionnaires et les équipes, nous avons choisi de rejoindre Wireless Logic, et je n’ai aucun regret.
Comment s’est déroulée cette cession ?
La cession a duré entre 6 et 8 mois. On m’avait proposé en amont de garder mon poste pour accompagner la transition et l’intégration de Matooma à Wireless Logic. Proposition que j’ai bien évidemment acceptée. Cependant, le lendemain de la vente, je me fais une rupture du tendon d’Achille lors d’une session de tennis. C’est un fait : pour le dirigeant, la vente d’une entreprise provoque une telle tension que cela l’impact physiquement.
Après cet accident, j’ai été contraint de passer plusieurs mois au lit pour me remettre sur pied. Un comité de pilotage en interne a donc pris la main sur mes sujets. Une fois rétabli, le fameux Covid-19 est arrivé et nous a plongé dans le confinement.
C’est à ce moment-là que j’ai compris que l’entreprise tournait très bien sans moi et qu’il était temps de partir.
Comment vous est venue l’idée de SCOP3 ?
Une fois parti, j’ai laissé passer l’été et c’est au moment de la rentrée scolaire 2020/2021, lorsque mes enfants sont retournés à l’école, que j’ai pris conscience qu’il était temps pour moi de me lancer dans un nouveau projet pour vaincre l’ennui. J’ai donc choisi la voie de l’associatif en devenant bénévole dans une association dédiée aux familles en difficulté.
Dès le premier jour, une chose m’a frappé : l’association manquait de mobiliers, d’outils pour travailler efficacement et dans de bonnes conditions. En effet, les associations dans leur majorité manquent de moyens, et les financements externes sont dédiés au bon fonctionnement de l’activité et non à la logistique interne. C’est alors que j’ai proposé de récupérer les anciens équipements de Matooma en échange d’un reçu fiscal de don en nature. Il restait en effet un grand nombre de tables, chaises et ordinateurs qui étaient stockés dans les bureaux et qui étaient destinés à y rester. Cette opération permet en réalité à l’entreprise de récupérer 60% de ce qu’ils ont donné, tout en aidant l’association qui était dans le besoin. Un procédé gagnant-gagnant qui n’était pour autant pas assez déployé sur le territoire à mon goût.
J’ai alors décidé d’échanger avec la French Tech de Montpellier, plus particulièrement avec des entrepreneurs, qui m’ont conforté dans mon idée. D’un côté, certains m’expliquaient qu’ils aimeraient avoir à disposition une plateforme de la sorte pour déposer leurs équipements, et de l’autre, certains qui recherchaient justement de l’équipement pour aménager des espaces de co-working.
Une idée émerge alors dans ma tête : « et si je créais une plateforme permettant aux entreprises de céder facilement leurs équipements ? » et c’est dans cet élan, alors que je ne pensais plus jamais me relancer dans l’entrepreneuriat, que j’ai créé SCOP3. (disponible dès début novembre 2021)
Et le retour à l’incubateur, pas trop compliqué ?
Il faut savoir que pour la mise en place de Matooma nous étions à Cap Oméga, un incubateur spécialisé dans les nouvelles technologies à Montpellier, et nous y sommes restés 4 ans. Ces années m’ont énormément apporté car nous étions dans un cadre où des chargés d’affaires nous suivaient et nous permettaient de structurer notre projet.
Il était donc naturel pour moi de retourner là-bas pour le lancement de SCOP3. Je souhaitais repartir de zéro et être considéré comme tel, tout simplement parce qu’après toutes ces années, les réglementations ont changé et je n’étais plus à jour.
Retourner chez Cap Oméga était aussi un gage de sureté. Je retournais en terre connue, un peu comme si vous retourniez dans la maison de famille où vous avez grandi ! Par ailleurs, je savais que nous allions être suivis par des professionnels pour nous aider dans notre projet. Et puis, même si on a réussi une première fois, ce n’est pas pour autant que la seconde sera une réussite. On a donc besoin de nous positionner sur des certitudes. Cette certitude pour nous, c’était Cap Omega.
Qu’est-ce que vous a apporté, finalement, le fait d’avoir déjà une start-up dans la création de SCOP3 ?
L’expérience chez Matooma m’a énormément aidé puisque l’on a tout découvert : on a commis des erreurs, on a heurté quelques murs, mais finalement on se relevait et on prenait une autre direction. Cet apprentissage a duré 3/4 ans avant de positionner correctement Matooma sur sa ligne directrice.
L’avantage avec SCOP3 et cette expérience antérieure, c’est que nous avons compressé 3 ans de développement en 6 mois. Pour donner quelques exemples, nous avions lancer le marketing digital au bout de trois ans chez Matooma. Actuellement, nous sommes en cours de recrutement d’un chargé de marketing digital pour SCOP3, soit 1 mois après le début du projet. De même pour la partie communication qui est déjà en place, avant même le lancement de la plateforme.