Décrocher un emploi n’est jamais chose facile. La tâche est d’autant plus ardue et les obstacles plus nombreux, lorsque le candidat à l’embauche est atteint de cécité. Une situation que connait bien Luc Labbé. Aveugle lui-même, il est directeur général chez Horizon-Travail, un service de conseil qui met en relation des employeurs avec des travailleurs aveugles au Québec.
Horizon-Travail cherche à combattre la peur. La peur de postuler à une offre d’emploi pour les aveugles, et la peur d’embaucher des malvoyants pour les employeurs. C’est toute la philosophie de l’organisme d’inclusion fondé au Québec et dirigé depuis 2005 par Luc Labbé. Ayant lui-même une déficience visuelle, il souhaite avant tout balayer les préjugés et les abus de langage relatifs à la cécité. Notamment le fait que « 99,5% des personnes aveugles ne vivent pas dans le noir et distinguent certaines couleurs ou des formes ». De même, tous n’ont pas besoin d’une canne ou d’un chien guide, « qui ne guide d’ailleurs pas mais sert uniquement à éviter les obstacles au sol ».
Briser les clichés des dirigeants envers les salariés aveugles
Selon le directeur d’Horizon-Santé, ces clichés participent à « la méconnaissance globale sur la condition des aveugles ». Or si la société comprend mal la cécité, « les employeurs ne dérogent pas à la règle » précise Luc Labbé. Ainsi les entrepreneurs ont « des craintes totalement infondées » sur les aveugles. Une situation qui les pousse à avoir peur d’embaucher des personnes malvoyantes. Pourtant, ces dernières sont souvent totalement autonomes et nécessitent peu d’aménagement de postes. En effet, elles possèdent bien souvent déjà « un ordinateur spécialisé pour leur défaut de vision, un clavier en braille, ou même une synthèse vocale » pour faciliter la compréhension des textes. Un salarié aveugle « ne représente donc pas un investissement supplémentaire » pour les employeurs.
Toutefois « les locaux doivent être adaptés » souligne Luc Labbé. Notamment avec des ascenseurs ou des escaliers munis de balises de couleurs. Cependant les aménagements ne profitent pas uniquement aux malvoyants. De telles accès « peuvent aussi servir pour les poussettes, les femmes enceintes ou les personnes à mobilité réduite ». L’objectif de Luc Labbé est donc de changer le paradigme sur les aveugles. En clair, « ces personnes ne sont pas handicapées, mais sont placées en situation handicapante si leur environnement de travail n’est pas adéquat ». A titre d’exemple Luc Labbé évoque sa propre expérience : « moi, dans mon environnement de travail, je suis aussi autonome que n’importe qui parce que tout est adapté à ma condition ».
Ainsi tout l’enjeux pour Horizon-Travail n’est pas seulement d’épauler les malvoyants dans leur candidature. Il s’agit aussi « d’accompagner les patrons » pour leur montrer que l’embauche d’une personne atteinte de déficience visuelle n’engendre pas davantage de complications.
Mieux réaliser les entretiens d’embauche
Pour ces raisons Luc Labbé appelle les employeurs à davantage d’ouverture. Principalement en ce qui concerne les offres d’emploi où « certains critères peuvent paraitre discriminatoires ». Le directeur général d’Horizon-Travail prend comme exemple le cas du permis de conduire. En effet, certains employeurs le demande par défaut alors qu’il n’est, dans les faits, pas nécessaire pour l’exercice de la mission. Une condition qui peut donc « dissuader une personne aveugle de se postuler ». Ce qui peut aussi « priver l’employeur de profils talentueux ».
De même Luc Labbé estime que l’équité entre aveugles et salariés sans déficience visuelle se fait lors de l’entretien. Raison pour laquelle il demande aux malvoyants d’éviter « de cacher leur différence ». Une erreur qu’il a lui même pu commettre par le passé. Or cela se remarque rapidement lorsqu’il s’agit de lire un texte, et notamment un contrat de travail. Luc Labbé incitent donc les aveugles en recherche d’emploi à « avertir au préalable l’employeur » de leur cécité. Par conséquent, « les deux parties peuvent concentrer l’entretien non plus sur les potentielles incapacités du candidat » mais plutôt sur ses capacités réelles. Dans le cas contraire le chercheur d’emploi aveugle passera plus de temps à expliquer ce qu’il ne peut pas faire et n’aura donc pas le temps de se vendre et vanter ses talents.