Le salon Viva Technology a ouvert ses portes mercredi 16 juin à Paris, pour une durée de 4 jours. La ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Fréderique Vidal a répondu aux questions de Widoobiz.
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Qu’est-ce qui sera concrètement mis en œuvre pour améliorer le niveau de la recherche en France et combler le retard que la pandémie a mis en lumière ?
Fréderique Vidal : Cela dépend, évidemment, de quel point de vue on se place. Il faut d’abord rappeler que la France a été la première à séquencer le génome du virus en Europe, ce qui était quand même la base des potentiels vaccins et thérapies. On soutient, aujourd’hui, plusieurs prototypes de vaccins dont le dernier est récemment entré en phase 3.
Je salue d’ailleurs la mobilisation internationale de la recherche qui nous a permis de créer un vaccin en si peu de temps et qui nous a également permis de constater quelles étaient les faiblesses de notre système, afin de mieux y remédier avec un financement exceptionnel à trois étages : le Plan de relance, le PIA4 et bien sûr la loi de programmation de la recherche qui va apporter 25 milliards d’euros pour la recherche publique d’ici 2030.
« Nous avons des recherches académiques qui sont excellentes et des industriels qui pourraient porter des innovations mais c’est le lien entre la recherche académique et le monde industriel qu’il faut que nous consolidions. »
Quelles sont les faiblesses qui ont été identifiées ?
Fréderique Vidal : La première faiblesse que nous avons identifiée et à laquelle nous avons commencé à remédier depuis déjà quelques années se situe au niveau de la chaîne de l’innovation. Nous avons des recherches académiques qui sont excellentes et des industriels qui pourraient porter des innovations mais c’est le lien entre la recherche académique et le monde industriel qu’il faut que nous consolidions.
Nous avons autorisé cela dans un premier temps avec la Loi Pacte, et nous l’avons renforcé à travers la loi de programmation de la recherche. Les chercheurs ne sont plus obligés de choisir entre leur recherche académique et leur envie de créer une start-up, ils pourront désormais jongler entre le temps passé en laboratoire et celui dédié à la création de leur entreprise.
Avec le plan entrepreneuriat pour les étudiants, ces derniers vont pouvoir être initiés à l’entrepreneuriat tant en termes de compétences que d’état d’esprit. Car créer son entreprise, c’est aussi se dire que nous pouvons essayer, échouer et recommencer. C’est ce que nous essayons de porter sur tout le continuum, depuis les étudiants jusqu’à la R&D.
« Ce qui nous manque vraiment, c’est la capacité à investir, c’est-à-dire à transformer l’idée ou la preuve de concept en quelque chose qui s’industrialise »
De nombreuses start-up dénoncent également des processus de financement trop chronophages
Fréderique Vidal : J’ai eu effectivement l’occasion d’en discuter avec plusieurs start-up. Ce qui nous manque vraiment, c’est la capacité à investir, c’est-à-dire à transformer l’idée ou la preuve de concept en quelque chose qui s’industrialise. Pour cela, nous devons, bien sûr, attirer du capital risque, mais nous devons former aussi.
En France, nous sommes souvent face à des start-up qui sont issues des technologies avec des gens finalement moins armés pour identifier le marché ou aller faire de la négociation commerciale. L’enjeu réside également dans la création d’équipes pluridisciplinaires. Il faut que les personnes spécialistes dans les études de marché ou encore la finance apprennent à travailler avec des personnes au profil plus technologique. Comment créer des équipes qui deviendront gagnantes ?
Pour tout ce qui est biotech, la question est de savoir comment traverser cette vallée de la mort, c’est-à-dire ce temps extrêmement long pour atteindre le marché, puis de manière générale, comment nous devons faire pour ne plus avoir des start-up qui restent au point mort et qui au contraire grandissent.
« l’idée est d’avoir au niveau européen l’équivalent de la Barda aux États-Unis, qui va s’appeler « HERA » »
Qu’est ce qui sera mis en œuvre pour remédier à cela ?
Fréderique Vidal : Nous sommes tout au bout de la chaîne de l’innovation, donc l’enjeu est de continuer à être le premier pays qui attire les investisseurs. Je crois que ces derniers se sont rendu compte que quelque chose avait changé. Aujourd’hui, le CNRS fait émerger 80 à 100 start-up par an et l’IMT favorise la création d’environ 70 enterprises par an dans ses incubateurs.
Dans le domaine de la santé, l’idée est d’avoir au niveau européen l’équivalent de la Barda aux États-Unis, qui va s’appeler « HERA » et qui aura pour vocation d’accompagner sur le marché toutes les innovations et toutes les preuves de concept nées dans les laboratoires académiques.
Souhaitez-vous aussi rendre les formations à l’entrepreneuriat obligatoires pour les étudiants ?
Fréderique Vidal : Elles sont proposées systématiquement, mais il faut qu’elles soient proposées tout au long du cycle d’étude. Les étudiants doivent comprendre comment cela fonctionne dès le premier cycle. Ensuite, des accompagnements plus personnalisés ont été aussi mis en place avec le statut étudiant entrepreneur.
Enfin, pour les docteurs qui souhaitent créer leur entreprise, nous avons créé le concours i-PhD.