S’il y a bien une génération que la Covid-19 a fortement impacté, ce sont les étudiants en fin de cycle et les jeunes diplômés. Malgré les difficultés dans la recherche de stages ou de postes en alternance, comment s’en sortent-il actuellement ? Restent-ils confiants et optimistes ? Sont-ils toujours aussi motivés ? Réponse avec Celica Thellier, co-fondatrice de ChooseMyCompany.
Comment alternants et stagiaires ont-ils vécu cette période de crise sanitaire ?
Nous avons été frappés par la résilience dont font preuve ces jeunes : ils sont plus de 8 sur 10 à se dire motivés et heureux lors de leurs missions en entreprise, un chiffre en hausse malgré tout ! Plus de 86% des stagiaires et alternants se déclarent motivés par la qualité des équipes et experts qui les ont entourés durant leur mission. Ce chiffre progresse (+4% vs l’édition 2019 du baromètre, en octobre 2019), tout comme leur propension à recommander leur employeur (88%, + 3 points en un an).
Cela dit, ils ont été bousculés par ce contexte, comme chacun d’entre nous. 76% ont pratiqué le télétravail à partir du printemps, et 24% d’entre eux ont été touchés par les mesures de chômage partiel. Ils ont du apprendre à travailler en plus ou moins grande autonomie, et ont parfois eu le sentiment de manquer d’accompagnement managérial. Par rapport à notre édition 2019, on note ainsi que leur sentiment d’avoir été bien intégrés dans l’entreprise diminue (-9 pts), tout comme leur sentiment de se voir confier de réelles responsabilités (-5pts) : les stages à distance n’ont visiblement pas toujours pu apporter la proximité attendue.
Autre élément marquant de cette période : ils se déclarent nettement plus satisfaits qu’en 2019 de leurs indemnités (+8.2pts) et leur volonté de se voir proposer une embauche dans leur entreprise d’accueil progresse elle aussi (+4.4pts). Ils expriment donc une certaine recherche de sécurité, ce qui est inédit pour cette génération qui, jusque là, n’avait jamais connu de crise économique sérieuse.
Dans quel état d’esprit se trouvent les entreprises face au recrutement de stagiaires / alternants ?
Les 244 entreprises qui ont obtenu l’accréditation HappyTrainees® suite à cette étude sont celles qui soutiennent le développement professionnel des jeunes à travers le maintien de missions de qualité autant que possible. Elles savent qu’elles vont devoir adapter leur accompagnement à une organisation du travail hybride (télétravail, nouvelles normes sociales…). Notamment, en intensifiant la présence managériale auprès des jeunes. Elles devront, plus que jamais, s’assurer que chacun se sent à l’aise dans sa mission et dispose des éléments nécessaires pour la mener à bien. C’est essentiel en ce moment, notamment pour des jeunes qui n’oseront pas forcément demander spontanément de l’aide ou des conseils.
Mais elles devront aussi acter le fait que les attentes d’embauche des jeunes ne pourront pas être toutes satisfaites. Certaines entreprises ont déjà commencé à mettre en place une réelle politique de “offboarding », pour accompagner concrètement les fins de mission. Notamment, en proposant aux jeunes d’établir avec eux un bilan constructif de leur mission, qui va les aider à mieux se connaître et à se projeter dans d’autres entreprises. Si on ne peut pas proposer de poste à un jeune, il est au moins essentiel de l’aider à mieux définir son projet pour la suite. C’est aussi à cela que doivent servir un stage ou une alternance. Les employeurs ont un vrai rôle à jouer aux côtés des services carrières des écoles.
Sur le long terme, la crise du covid va-t-elle révolutionner le monde de l’apprentissage pour les jeunes et les entreprises ?
Il est trop tôt pour le dire, tant la durée et la profondeur de cette crise restent à ce jour impossibles à estimer. Ce qui est certain, c’est que l’alternance en particulier doit être soutenue : elle avait bien progressé avant la crise (16% d’alternants en plus entre 2018 et 2019*) et surtout offre d’excellents résultats en matière d’entrée en emploi : en 2019, 75% des alternants ont trouvé un emploi à la suite de leur mission**. Ces chiffres ne seront peut-être pas possibles à maintenir cette année, mais l’objectif doit rester de soutenir l’apprentissage.
Les entreprises y sont encouragées, grâce aux aides de l’Etat. Les jeunes, de leur côté, vont devoir apprendre à s’auto-manager dans un contexte où le maître de mission et les collègues se trouveront parfois loin. Autre impératif pour eux : savoir dégager des perspectives au-delà du contexte immédiat. Les employeurs sont formels : savoir ce qu’il veut apprendre, et pourquoi, sera le plus grand atout d’un étudiant pour convaincre et trouver sa mission. Enfin, ces jeunes vont devoir, encore plus, travailler leur résilience : la capacité à s’adapter à un contexte parfois compliqué, et à trouver de l’intérêt dans les opportunités qui se présentent sera essentielle pour eux.
Les entreprises ont considérablement investi, ces dernières années, sur leur attractivité auprès des jeunes. Aujourd’hui, les rapports évoluent, et c’est aux deux parties de s’y adapter. Chacun doit se demander ce qu’il peut apporter à l’autre, quel but commun on poursuit en travaillant ensemble.