La confiance, une alchimie fragile, toujours susceptible de remise en cause brutale ! En ces temps où la gravité s’invite dans nos existences et les bouleverse, la confiance s’impose comme la condition d’une mobilisation citoyenne réussie contre la pandémie. Le président de la République ne s’y trompe pas et, au fil de ses interventions, lance des appels à l’union. A travers une posture martiale, mobilisatrice, culpabilisante parfois envers ses opposants les plus radicaux, sa crainte est désormais palpable de voir s’effilocher le consensus national autour de ses décisions.
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La nation se découvre vulnérable et ressent impérativement ce besoin d’une cohésion impulsée par la pédagogie de l’action, pour accepter dans la durée de se voir imposer des règles dérogatoires au droit commun. Dans le partage traditionnel des rôles sous la Vème République, l’exercice d’explication incombe au gouvernement. Il s’y prête, Premier Ministre en tête, conscient de l’ardente obligation de convaincre.
Sans une confiance, même de circonstance, en la parole publique, en la pertinence des décisions imposées, il serait en effet illusoire d’espérer faire appliquer dans un État de droit des mesures aussi radicales et restrictives pour les libertés fondamentales que la privation de la simple liberté d’aller et venir… Et demain peut-être la traçabilité de nos faits et gestes. La confiance constitue le socle de l’acceptabilité, de l’adhésion, et donc la garantie de l’efficacité. La confiance s’impose aussi contre toutes les thèses complotistes et les discours tendant à faire croire que notre système démocratique serait, au choix, durablement menacé ou bien inapte à répondre aux défis d’une crise d’une telle ampleur.
Mais la confiance ne se décrète pas et ce qui divise n’est pas forcément coupable. A entendre certaines incantations, il serait interdit de débattre, au nom de notre sécurité individuelle et collective, par respect aussi envers ces nouveaux héros que sont les personnels soignants et tous ceux qui apportent leur pierre à la satisfaction de nos besoins fondamentaux. Le contresens est ici total. La confiance ne tolère pas la confiscation du débat. Elle se nourrit de la confrontation des points de vue. Elle implique la démonstration par une analyse bénéfices/risques de l’impact positif sur le long terme des décisions prises : généralisation du confinement, durée de cette mesure, modalités de sortie, interdiction de la prescription de chloroquine en médecine de ville, etc. Un exercice rarement mené en matière de politiques publiques, indispensable en la circonstance.
Le moment venu, d’autres réponses devront être apportées sur la gestion politique de cette crise, car les questions sont multiples qui ont pu ébranler la confiance :
- Question de la véracité de la parole publique alors qu’une communication à l’origine peu transparente s’est abritée derrière des arguments scientifiques pour dissimuler des pénuries, en termes de masques et de tests notamment.
- Question de la capacité d’anticipation de l’Exécutif, alors que les déclarations de son ancienne ministre de la santé sur la mauvaise évaluation des risques sèment le trouble.
- Question de la responsabilité politique dans la prise de décision, alors que l’avis d’experts a servi de paravent à des choix relevant de la pure stratégie électorale, comme le maintien du premier tour des élections municipales.
- Question de la capacité de l’État et même de son renoncement à faire appliquer ses décisions sur l’ensemble du territoire national alors que les contrôles s’avèrent impossibles dans certains quartiers.
- Question de la considération même des dirigeants envers l’esprit de responsabilité des citoyens alors que certains mots comme « confinement » ont été, dans un premier temps, bannis du discours présidentiel.
- Question de la tentation de pérenniser, au nom de la sécurité, mais au détriment de la liberté, certaines mesures dérogatoires présentées à l’origine relevant de l’exception, comme cela a pu être le cas en matière de lutte antiterroriste.
Ces interrogations ne sont pas toutes de même nature. Certaines touchent à l’esprit, d’autres aux fondements de notre pacte républicain, qui impose aux représentants du peuple de rendre des comptes sur leur action. Se les poser, les imposer dans le débat public est légitime. Accepter que certaines réponses soient différées est en revanche responsable.
Par Geneviève Goëtzinger, Membre de Synopia