Ce pourrait être le titre d’une nouvelle émission de M6. Et ce pourrait être drôle si, derrière ce titre aguicheur, ne se cachait pas une réalité douloureuse. Les agriculteurs vont mal. Entre épuisement professionnel et sentiment d’abandon, entre Salon de l’agriculture et principe de réalité, retour sur une profession qui doute.
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L’étude a fait grand bruit. Les chiffres étaient implacables. Près de 35 % des agriculteurs présentent des risques avérés de « burn out »[1]. Avec des rythmes de travail dépassant très souvent les 70 heures par semaine, le secteur est au bord de l’épuisement. Un autre chiffre édifiant. Un agriculteur dort entre 150 et 200 heures de moins qu’un français moyen par an. Cette réalité, souvent occultée, frappe l’opinion avec d’autant plus de violence qu’elle renvoie à l’exceptionnel enthousiasme généré par le très célèbre Salon de l’agriculture de la porte de Versailles. Nous y étions. Le public aussi, en masse. Il en ressort un sentiment étrange, un entre deux. D’un côté, la figure de l’agriculteur fait toujours, d’une certaine manière rêver. Il suffit de voir les attroupements autour des stands. On se bat presque pour voir une charolaise. Et de l’autre côté, l’opinion se fait toujours plus critique à l’égard d’une profession accusée de ne pas engager pleinement une nécessaire transition énergétique. L’agriculteur colporte toujours, a tort ou à raison, son image d’Epinal, celle d’une course au productivisme effréné, celle d’une industrie pollueuse. L’opinion est pressante et, face à elle, l’exploitant agricole est un peu seul.
Un étrange sentiment d’entre deux
Ce sentiment d’entre deux est partout. Il y a, dans cette grande messe du monde agricole, l’expression d’une certaine forme de ruralité, intemporelle. Celle des animaux, des pâturages, une carte postale française. Et de l’autre, un secteur à la pointe de l’innovation, connecté en permanence aux marchés, suivant l’évolution des cours des matières premières.
Le mal-être agricole a, comme tous les grands maux, des causes multiples. Mais, clairement, ce grand écart permanent interroge. Et l’on serait bien mal aisé de répondre simplement, à cette simple question, c’est quoi être un agriculteur aujourd’hui ? Au fond, nous pensons tous, a priori, avoir la réponse. Elle nous paraît évidente, comme héritée de manuels scolaires de notre enfance. Mais dans les faits, bien malin celui qui peut se sortir de l’exercice.
Alors, face à ce constat pour le moins amer, la réponse se trouve, très probablement, dans la valorisation et la réaffirmation de la force du modèle coopératif, seul en capacité de répondre globalement à ces défis immenses. Il y a quelques jours, le groupe Euralis présentait lors de son Assemblée générale, un plan ambitieux, en association avec le Crédit Agricole, tourné vers le progrès. Dans les grandes intentions, ouverture des exploitations à l’opinion publique, création de liens avec les acteurs du territoire, défense et valorisation des singularités régionales. Pour Christian Pèes, président du groupe « c’est un nouvel impératif de dialogue qu’il nous faut porter comme une raison d’être. Conquérir l’opinion, susciter l’adhésion, faire comprendre les enjeux, les tenants et les aboutissants, en clair, jouer la carte de la transparence vécue. Cette posture n’est pas un postulat de communication, c’est un impératif catégorique. Une vision nouvelle de notre rôle et de notre place ».
Comme tout grand événement, le Salon de l’agriculture a ce mérite. Il fait parler. Maintenant il faut agir.
[1] Etude Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire
Sauver les agriculteurs.Pourquoi ne pas demander aux chaînes de télévision de s’engager pour cette cause au lieu de distribuer autant d’argent dans des jeux télévisés.
Par Boué Francine, le 14 février 2021