Il est des mots que l’on emploie, soyons honnête, sans vraiment les comprendre. Big data, open source, blockchain pour ne citer que les plus récents. D’une certaine manière l’intelligence artificielle fait partie de cette catégorie. Si les mots « intelligence » et « artificielle » ne posent pas, quand ils sont séparés, de difficulté particulière. Ils nous interrogent quand ils sont réunis. Mélange de fascination, de transhumanisme, de peurs aussi. Stéphane Roder, CEO de AI Builders nous aide à y voir plus clair.
Qu’entend on réellement par intelligence artificielle ?
Même si elle est privée du bon sens ou du sens commun, l’IA actuelle sait reproduire une infime partie de l’intelligence humaine. Sa compréhension statistique de l’intelligence permet d’exécuter des tâches simples dans des environnements complexes. L’intelligence artificielle rassemble toutes les techniques mathématiques permettant à des ordinateurs de simuler et de reproduire la partie statistique de l’intelligence humaine.
La notion d’intelligence artificielle fait son apparition dans le langage courant ces dernières années, mais on peut considérer qu’elle existe depuis que l’ordinateur fait tourner des algorithmes qui ne sont que des reproductions du raisonnement humain. L’intelligence est donc un tout indissociable que les théoriciens de l’intelligence artificielle ont décomposé, pour une meilleure compréhension, en différentes fonctions permettant de simuler l’ensemble des fonctions cognitives :
- Les capacités de perception ou comment capter les flux d’information : l’ouïe, la vue…
- La mémoire, l’apprentissage et la représentation de la connaissance.
- Le calcul sur les représentations. La pensée.
- Les capacités de communication expressives.
- Les capacités exécutives.
Ces 5 fonctions cognitives décrivent le large spectre d’utilisations de l’intelligence artificielle et permettent de mieux comprendre pourquoi on a l’impression d’en trouver « un peu partout ». L’IA actuelle utilise, pour réaliser ces 5 fonctions cognitives, principalement 3 technologies que sont les moteurs de règles (SI… ALORS…), le machine learning et le deep learning, chacun étant un sous-ensemble de l’intelligence artificielle et pour les deux dernières des techniques mathématiques permettant de calculer les coefficients de polynôme complexes représentant les frontières entre deux classes.
Comment les entreprises s’emparent de L’IA ?
Les entreprises ont beaucoup de mal à intégrer l’IA selon qu’elles ont mis en place une organisation adéquate ou pas avec à sa tête un CDO (Chief Digital Officer) .
Le gap culturel est encore important. Il leur faut d’abord comprendre que l’IA est un apport en termes de performance aux process de l’entreprise, une optimisation du système d’information. Elles sont ensuite perdues car l’IA trouve sa place partout et elles ne savent pas par où commencer si elles ne s’imposent pas un minimum de méthodologie pour faire des choix rationnels. En effet, il leur faut un certain temps pour revenir aux principes de base de management des projets, évaluer la pertinence de projets, les prioriser et faire des roadmaps.
Les entreprises sont pour l’instant à l’écoute des métiers pour faire leurs premières listes de cas d’usage. Malheureusement, les métiers n’ayant qu’une compréhension partielle du potentiel de l’IA, des best practices et des cas d’usages classiques par métier et industrie, il leur est difficile d’avoir une vision exhaustive et de s’assurer qu’elles commencent effectivement par le projet ayant le meilleur ROI, la meilleure contribution aux objectifs de l’entreprise ou encore la meilleure chance de réussir.
Les plus avancées ont donc compris qu’il leur fallait un CDO capable de structurer l’ensemble de la transformation digitale leur permettant de revenir dans un cadre de déploiement industriel, avec des méthodes et un savoir-faire spécifiques.
Quels sont les enjeux business associés ?
Les enjeux sont surtout liés à l’environnement compétitif des entreprises. D’une part, elles ne pourront pas se permettre d’avoir ni des coûts opérationnels ni des prix trop éloignés de leurs concurrents. On le voit par exemple avec l’assureur Lemonade.com qui grâce à l’utilisation de l’IA et plus globalement de tout le digital, a une structure de coût dix fois moindre et des prix inférieurs de 80% à un assureur classique. Il en sera de même pour toutes les industries peut-être dans des ordres de grandeur différents mais jamais sans conséquence. D’autre part, l’IA ouvre de nouvelles opportunités de réintermédiation. Les entreprises qui ne prendront pas les positions offertes par la valorisation de la donnée dans leur chaîne de valeur s’exposent à un risque au minimum de perte d’opportunités et au maximum « d’effacement » quand l’intermédiaire se mettra en coupure entre eux et leurs clients.
Quelle place pour l’humain dans cette nouvelle donne
L’humain reste au centre de cette nouvelle étape de la transformation digitale apportée par l’IA. Elle lui permet de se délester de tâches ingrates, pénibles et répétitives pour se concentrer sur ce que seul l’humain sait faire. L’abstraction et la conceptualisation. Elle lui permet d’augmenter sa performance au sens de l’atteinte de ses objectifs. Comme l’ont fait les autres technologies avant elle (bureautique, systèmes d’information, workflows …).
Comme dans tous les systèmes d’information, c’est l’humain qui écrit le cahier des charges, le cadre, les limites, applique la réglementation, fait la recette et met en production. C’est donc bien l’humain. Le manager, le responsable, le mandataire qui prend et porte la responsabilité de mise en production. Et des décisions ou des actions qui seront prises. L’humain va apprendre à travailler avec l’IA. La dompter, la canaliser, la réguler comme il l’a fait pour toutes les autres technologies qui de prime abord lui sont parues complexes.