Interpellée par l’immense gaspillage de la mode et par son impact environnemental négatif, la jeune marque se distingue par ses vêtements conçus à partir de matières premières recyclées. Tournée vers « l’up-cycling », elle entend faire rimer chiné et stylé.
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C’est désormais un fait connu, rappelé par le G7 de Biarritz, la mode occupe la peu enviable deuxième place sur le podium des industries les plus polluantes. Le secteur de l’habillement serait, selon l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (Ademe), le second émetteur de gaz à effet de serre, après le pétrole. Soit, à lui seul, plus que le transport maritime et l’aviation réunis. Ce qu’on lui reproche ? Pêle-mêle, sa consommation démesurée d’eau potable, son utilisation massive de produits chimiques allergisants ou dangereux ou encore son recours au transport par cargos polluants.
Ce coût environnemental déjà lourd est encore aggravé par le modèle économique prôné par les marques « Fast fashion ». Véritables « pousses-à-la-consommation », elles multiplient le nombre de collections annuelles pour tenter sans relâche le consommateur. Lequel achète de plus en plus de vêtements, proposés à des prix compétitifs, mais souvent de petite qualité et d’une durée de vie considérablement raccourcie. Revers coûteux de la médaille, ils deviennent plus facilement jetables. Selon les estimations, 70 % d’une garde robe ne serait pas portée et quatre millions de tonnes de textiles seraient jetées chaque année en Europe, la grande majorité (80 %), non recyclée, finissant en déchetterie.
Pour une mode « écoresponable »
Cette dérive industrielle et ce gâchis monumental de matière première sont aujourd’hui pointés du doigt par de jeunes entreprises qui militent pour une mode « écoresponsable ». Adepte de l’économie circulaire, La Draft est de celles-là. Son credo ? L’up-cycling ou recyclage créatif. Plus qu’un simple recyclage, qui veut que l’on reporte les vêtements tels quels, le principe ici est de leur offrir une nouvelle jeunesse en les retravaillant pour les remettre au goût du jour ou les personnaliser.
Créative, la jeune marque parisienne propose à la fois de la demi-mesure et du prêt-à-porter. Dans sa première activité, elle se rend chez les particuliers pour les aider à inventorier leur dressing et dénicher les pièces susceptibles d’être « draftées », selon le jargon de la marque. Un anglicisme qui désigne l’esquisse, le croquis de mode. Mais qui fait aussi référence à la draft, un événement annuel majeur dans la ligue de basket-ball nord-américaine (NBA). À partir des pièces choisies par le client, le travail de revalorisation se fait en atelier, dans l’esprit épuré de la griffe, tout en tenant compte des souhaits de l’acheteur.
Dans sa seconde activité, La Draft confectionne ses propres collections capsules en s’approvisionnant dans les friperies, les vide-greniers et autres stocks vintage qui se multiplient. Après sélection soigneuse des plus belles matières (laine, cachemire, cuir, pur coton), les pièces sont nettoyées par des professionnels puis confiées à de jeunes stylistes partenaires chargés de les valoriser en leur donnant une nouvelle esthétique, plus tendance. Fini les longues séries, place aux vêtements uniques, customisés, réalisés au gré des bases chinées.
Lancée en 2017 par trois amis – Smith, Oussman et AB – La Draft grandit doucement mais sûrement. Pour l’heure, les trois associés mènent leur aventure entrepreneuriale en parallèle de leurs carrières respectives. À la recherche d’investisseurs, ils espèrent pouvoir passer rapidement à la vitesse supérieure. Dans leur ligne de mire notamment, l’ouverture d’un show room qui permettrait de dynamiser les ventes sur Internet.
Un métier à risques
Tous trois le savent, se lancer dans ce milieu foisonnant. Espérer vivre de ses créations est un défi un peu fou. Pas simple en effet de se faire connaître, a fortiori quand on est, comme eux, passionnés de mode et de chine, mais autodidactes du secteur. Alors ils se forment aux techniques (choix des tissus, prototypage, patronage, ….) et s’entourent de compétences.
Pour eux, le plus gros challenge se situe plutôt du côté de la construction de leur image. « Notre principal risque aujourd’hui est de peiner à être audible, reconnaît ainsi Smith Boulet-Tongier, Président de La Draft. Pour imposer notre griffe, nous devons faire nos preuves. En ce qui concerne la demi-mesure, il y a une dose de risque du fait de la part de créativité dans le process. Il arrive que le client ne soit pas totalement satisfait du résultat final. Dans ce cas, nous n’hésitons pas à retravailler le vêtement pour lui donner satisfaction. Parce qu’il n’y a pas de meilleur message qu’un savoir-faire reconnu et partagé« .
Si elles sont bien réelles, les embûches ne leur font pas peur. Comme beaucoup de jeunes issus de quartiers populaires, où les difficultés peuvent être plus nombreuses qu’ailleurs. Ils ont acquis la force de caractère qui aide à s’accrocher et franchir les obstacles. « Si nous devons affronter un échec, nous prendrons notre bâton de pèlerin et nous continuerons d’avancer« , résume Smith Boulet-Tongier, philosophe.