Face aux incertitudes économiques et à l’isolement, renforcer sa gouvernance est une option gagnante pour les dirigeants de PME et d’ETI.
Près d’un dirigeant d’entreprise (PME et ETI) sur deux se sent isolé selon une étude menée par Bpifrance, consacrée à la solitude du dirigeant. Ce chiffre est énorme à l’ère de l’économie connectée, des flux d’information à tout-va. Il est aussi préoccupant quand on sait que le dynamisme de l’économie et des territoires français repose tant sur le riche tissu de leurs entreprises petites, moyennes et intermédiaires.
Une des principales causes est l’isolement dans la décision, et surtout dans la réflexion qui précède. D’autres causes identifiées par l’étude sont aussi détaillées. La difficulté à faire naître un collectif dans l’entreprise, la difficulté à bien s’entourer… Toutes ces raisons sont des causes humaines, relationnelles. On pourrait même y rattacher une quatrième cause identifiée dans l’étude. Celle de l’image du dirigeant de PME et d’ETI ou plutôt, pour reprendre les termes de Bpifrance, l’absence d’image et de représentation positives.
Enfin, une cinquième cause identifiée par l’étude Bpifrance (unique cause réellement extérieure aux relations humaines) : l’imprévisibilité de l’environnement concurrentiel, économique et réglementaire.
Un dirigeant de PME sur deux se sent isolé
L’étude Bpifrance s’attache à contrebalancer les effets de la solitude. Bien s’entourer est probablement la première solution, la plus évidente. Mais pas forcément la plus facile à mettre en œuvre.
Pourtant les dirigeants sont aujourd’hui exposés à pléthore de choix pour être accompagné ou pour briser cette fameuse solitude. Ses partenaires experts (avocats, experts-comptables notamment) qui intègrent de plus en plus la dimension du conseil auprès de leurs clients. Les incontournables institutions publiques et parapubliques, comme justement Bpifrance ou les chambres de commerce et d’industrie, qui ont appris à travailler ensemble et à compléter les palettes d’offres proposées aux entreprises.
Puisqu’il faut croire que cela ne suffit pas forcément à tous les besoins, des clubs business existent et continuent de se créer, souvent venus des Etats-Unis. BNI (Business Network International) propose de mutualiser les efforts des TPE et des indépendants pour développer leurs activités. Arrivé des Etats-Unis mais créé par des Français expatriés à New York (et manquant de réseau à leurs débuts), nous avons aussi FrenchFounders. C’est une sorte de Rotary Club du monde économique où les startups, les cadres de grands groupes et les dirigeants de PME ou d’ETI se retrouvent autour de thèmes de la transformation et de la numérisation de l’économie à l’échelle internationale (nota : je suis membre de FrenchFounders et apprécie les rencontres faites).
La tradition française du dirigeant seul, sachant et tout-puissant
Avec le tout-digital et l’interconnexion, les chefs d’entreprises ont de nombreuses possibilités de créer des connections, mais pas forcément de revenir à l’essentiel, leurs sujets propres.
Ne manque-t-il pas parfois un rapport plus intime aux sujets du dirigeant ? Face à la pléthore d’informations, de dispositifs, de conseils et de consultants, nous pensons que ces derniers possèdent déjà un outil puissant mais sous-utilisé : la gouvernance de leur entreprise.
La tradition économique et de leadership française a longtemps cajolé la figure du dirigeant seul, sachant et tout-puissant. Le modèle éducatif national, en laissant de côté de nombreuses occasions de travailler en équipes, en groupes, en entraide, a très peu cultivé l’habitude de fonctionner en collectif pour résoudre des problèmes. Or, le collectif dans la prise de décision fait doublement sens, humainement et économiquement.
74% des dirigeants aspiraient à être plus et mieux entourés
Pourquoi est-ce important pour les dirigeants d’entreprise ? Tout d’abord parce que cela répond à leurs demandes. Toujours selon l’étude de Bpifrance, 74% des dirigeants aspiraient à être plus et mieux entourés.
Cette aspiration cache de nombreuses demandes sous-jacentes. On peut aisément imaginer que le poids de la décision –de la “bonne” décision– à prendre en permanence, est lourd à porter seul.
Ensuite, parce que le collectif – mais surtout un collectif divers, pas une assemblée de clones du dirigeant – apporte de l’efficacité économique. Intuitivement, on peut comprendre que divers points de vue permettent de “challenger”, comme les anglicistes aiment le dire, les points de vue et les directions prises par l’entreprise. Cela permet de conforter le rationnel, ou de creuser les éléments sous-jacents d’une décision d’entreprise. Une diversité de points de vue apporte aussi un œil frais et un nouveau regard sur les points de faiblesse du dirigeant –et tout le monde est plus ou moins confortable sur un thème ou un autre.
De plus en plus d’études montrent l’impact positif micro-économique (au niveau de l’entreprise) et macro-économique (au niveau d’un pays) d’une plus grande diversité. Par exemple l’étude de McKinsey, Delivering through diversity, Janvier 2018.
Le collectif dans la gouvernance de l’entreprise : des prises de décisions plus efficaces
Certes, une décision collective est parfois plus lente à prendre. La discussion préalable peut remettre en question des convictions individuelles préétablies, et donc être parfois désagréable en ce sens qu’elle interroge des habitudes de pensées et de fonctionnement installées de longue date. Mais l’indécision, l’isolement du chef d’entreprise ne prend-elle pas également du temps ?
Lorsque j’ai créé ma première entreprise, j’ai eu la nette impression de prendre beaucoup, beaucoup de temps pour prendre certaines décisions. Et lorsque j’en discutais avec quelqu’un qui était passé par là, qui avait l’expérience de ce que je vivais, son regard et son partage d’expérience m’aidaient énormément à entrevoir la bonne décision à prendre. Discuter d’un problème avec des gens d’expérience peut aider radicalement un chef d’entreprise. En testant une solution privilégiée, mais sans que le dirigeant ne sache trop pourquoi, et surtout en permettant d’identifier les “trous dans la raquette” d’une réflexion, ou les solutions non envisagées.
L’exemple du modèle anglo-saxon
Même le modèle anglo-saxon, dont on pense en France qu’il favorise l’individualisme à tout crin, a développé des modèles de gouvernance favorisant le collectif et la diversité. Ainsi la fonction de l’administrateur indépendant dans un conseil d’administration est une recommandation récente venue de Grande Bretagne : elle est issue du comité Cadbury (1991). Les recommandations de ce comité ont ensuite influencé l’OCDE, les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, etc. La chute spectaculaire d’Enron en 2001, notamment du fait de ce qu’on a appelé le “groupthink”, a également rappelé l’importance de la diversité de points de vue (et de plus de supervision) dans la gestion des entreprises. En effet la pensée de groupe tend à interdire de remettre en question les décisions de la hiérarchie, ou de voir les choses sous un autre angle et de soumettre ses doutes sur une marche à suivre.
Le danger du repli sur soi
À l’ère de l’interconnexion des économies, des sociétés et des individus, il est flagrant de constater que le repli sur soi est une réaction qui émerge actuellement. Les postures politiques, les votes aux diverses élections, les menaces (et réalités) de guerres commerciales en attestent tous.
À l’ère de l’abondance de l’information, il n’a également jamais été aussi difficile de prendre des bonnes décisions, surtout pour les dirigeants de PME et d’ETI, parfois tenus à un exercice solitaire de leurs fonctions.
C’est pourquoi il est aujourd’hui plus important que jamais que les chef d’entreprise s’approprient un puissant outil d’aide à la décision, un outil humain, qui a fait ses preuves et qui laisse au dirigeant sa propre liberté de choix à la fin du processus : une gouvernance diversifiée, composée de personnes d’expérience qui peuvent l’épauler dans les moments les plus stratégiques de son entreprise.
Chez WeBoard, nous aidons les entreprises à constituer et surtout gérer efficacement des conseils stratégiques externes composés de cadres dirigeants et d’entrepreneurs, tous de grande expérience opérationnelle à l’international. Les anglo-saxons et les startups sont familiers de ces dispositifs, sous le nom de “advisory boards” ou conseil stratégique externe. Le nom dit bien la fonction de conseiller du dirigeant, et non d’instance de décision.
L’advisory board, outil puissant d’aide à la décision…
L’advisory board est un outil à la fois puissant et simple, qui peut s’intégrer aisément dans la gouvernance actuelle d’une PME ou d’une ETI. Il y a quelques règles à prendre en compte pour s’assurer qu’il apporte bien de la valeur à l’entreprise :
- Il faut lui donner un objectif clair. Un advisory board est constitué pour traiter un ou des sujets définis ; il ne s’agit pas d’un conseil “pour faire bien” en termes d’affichages, ou pour traiter d’innombrables sujets. La clarté des objectifs renforce la capacité à recruter les profils pertinents de membres –et de dissoudre ou de renouveler aisément l’advisory board au terme de la réalisation de son objectif.
- Se rappeler constamment que les membres de l’advisory board conseillent mais ne décident pas (ce point notamment rassurera un conseil d’administration).
- Et animer efficacement et pro-activement l’advisory board pour que les membres travaillent de manière alignée à l’objectif commun. Par exemple une réunion d’advisory board n’est pas l’occasion pour ses membres de découvrir les derniers chiffres trimestriels de l’entreprise, ni son actualité. Cela devra avoir été partagé en amont, ainsi que le thème du jour, afin que chacun arrive à la réunion de l’advisory board informé, préparé, ayant travaillé –et prêt à partager et travailler ensemble en équipe.
- Enfin, la capacité à faire travailler des personnes initialement étrangères les unes aux autres est un des grands mystères de la gestion d’un advisory board, une des plus grandes réussites lorsque la dynamique d’équipe s’installe finalement. D’où l’importance permanente de (autre anglicisme) l’onboarding, la capacité à embarquer dans l’aventure du dirigeant et de son entreprise des advisors qui ont une autre carrière, une vie professionnelle liée à leur groupe ou leur entreprise. La gestion de la diversité et des différences nécessite quelques efforts ; mais à nouveau, c’est la confrontation respectueuse, fructueuse, constructive d’histoires, d’expériences et de points de vues différents qui apportera la plus grande valeur ajoutée aux entreprises qui auront eu la vision de constituer leur advisory board.
… mais encore peu connu en France
Ce mode de gouvernance n’est pas encore très développé en France. Cependant de plus en plus de PME ou ETI commencent à y recourir ponctuellement et de manière de plus en plus professionnelle. Bpifrance, encore elle, a ainsi créé un programme d’aide à l’exportation pour 25 ETI par an, incluant de la formation et la création d’un advisory board (programme Accélérateur ETI).
Le dirigeant-co-fondateur d’une PME de 25 millions d’euros de chiffre d’affaires affirmait lors d’une récente étude de WeBoard que recourir à un advisory board lui avait “changé la vie !” Dans cette entreprises de 4 co-fondateurs, les discussions patinaient parfois et finissaient pas ne pas être prises. La mise en place d’un advisory board “(…) a changé la gouvernance de l’entreprise. Cela libère les tensions entre les dirigeants par le haut : une question compliquée n’est plus source de désaccord mais d’ordre du jour de l’advisory board.”
Une belle ETI française faisant près de 100 millions d’euros de CA, en phase d’internationalisation, a mis en place un advisory board pour traiter un sujet externe, la conquête de la Chine, et un sujet interne, la transformation numérique de l’entreprise (WeBoard l’accompagne dans la constitution de son advisory board).
Alors que beaucoup s’inquiètent de l’impact de l’intelligence artificielle sur l’économie et les métiers, faisons collectivement le pari de l’intelligence humaine ! L’advisory board est un outil simple, puissant –et humain– d’aide à la décision pour les dirigeants de PME et d’ETI, pour les épauler et les aider à naviguer les changements auxquels tous sont confrontés.
Il s'agit là d'une innovation qui apporte la pièce manquante à l'édifice. En effet, un système de gestion efficient ne serait possible qu'avec un esprit d'équipe total y compris, bien sûr, le leadership.
Par Sadir, le 06 juin 2019