Tous les clients ne se ressemblent pas. Ils n’ont pas les mêmes besoins ni les mêmes attentes. Ils n’ont pas non plus le même intérêt pour leur fournisseur. Tout programme de fidélisation doit donc prendre en compte ces différences et prévoir des modes d’actions adaptés en conséquence.
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Raymond Martin est le patron d’une petite imprimerie installée dans la zone industrielle de Carquefou en banlieue nantaise. Cela fait maintenant 32 ans que Raymond a créé son entreprise. Notre dirigeant vient de fêter ses 65 ans et s’il se sent en pleine forme, il vient quand même de se décider à passer la main. La conjoncture économique, la présence de plus en plus incontournable des solutions numériques, la forte pression concurrentielle sur les prix ont eu raison de sa volonté de continuer.
Personne n’est encore au courant mais une belle opportunité vient de se présenter avec l’arrivée d’un repreneur. Raymond sait qu’il ne va pas vendre bien cher son imprimerie mais l’activité de l’entreprise et l’emploi de ses 8 salariés est sauvé d’une fermeture inéluctable. De plus, le repreneur est du métier. C’est un excellent professionnel qui a la capacité d’investir, parle diversification clientèle, prépresse, packaging…
Ne pas oublier l’essentiel
C’est donc avec bonne humeur que notre imprimeur reçoit ce matin Alain Romesnil, de la société Imprim’supports, l’un de ses fournisseurs en papier, encres et fournitures diverses.
– Tiens ! Voilà la société Imprim’supports !
– Bonjour monsieur Martin.
– Bonjour, cela fait un moment que vous n’êtes pas venu me voir !
– Et bien… C’est que je n’en avais pas trop l’occasion, et puis pour être franc, vous et moi on fait de moins en moins d’affaires ensemble, alors…
– Ah, bon ? Dois-je comprendre que l’intérêt que vous me portez est lié au montant de mes commandes ?
– Ne vous fâchez pas, monsieur Martin, mais comprenez qu’une visite client ça coûte cher et que mon patron préfèrerait que pour les petites commandes les clients passent par internet. Je vais vous montrer : le site d’Imprim’supports est très bien fait, il est centré client et vous pourrez passer vos commandes comme vous voulez, quand vous voulez.
– Ecoutez, ce n’est pas la peine, ça ne m’intéresse pas.
– C’est dommage, monsieur Martin ! Vous savez, maintenant grâce au numérique, vous comme moi on gagne du temps et de l’argent !
– N’insistez pas. Je n’ai pas envie de changer mes habitudes. Vous acceptez quand même de prendre une petite commande ?
– Oui, bien-sûr, mais vous savez, c’est dommage…
Que s’est-il passé ?
Notre imprimeur est en train de céder son entreprise. C’est peut-être l’une des dernières fois qu’il passe une commande lui-même. Pourquoi se lancerait-il dans une nouvelle procédure alors qu’il lui suffit de dicter au vendeur sa commande pour quelques fois encore ?
Ce dernier est arrivé, centré sur son objectif personnel : convaincre un petit client de passer dorénavant ses commandes par internet. Cette proposition est peut-être logique et justifiée. Mais il semble qu’Alain Romesnil a oublié de faire une chose fondamentale avant de proposer sa solution. Prendre connaissance de l’actualité de son client ou autrement dit « regarder où il mettait les pieds ».
Son client, un peu vexé de ce manque d’attention ne lui dit rien de ses projets… Et puis : gros ou petit client, ne doit-on pas les traiter de la même façon ?
Que faut-il en penser ?
Tous les clients ne se ressemblent pas. Ils n’ont pas les mêmes besoins ni les mêmes attentes. Ils n’ont pas non plus le même intérêt pour leur fournisseur. Tout programme de fidélisation doit prendre en compte ces différences et prévoir des modes d’actions adaptés en conséquence.
Pour cela, il faut segmenter. La segmentation a pour objet d’identifier des groupes de clients relativement homogènes. Pour chacun, il s’agit de développer un mode d’action spécifique. En matière de fidélisation, un fournisseur choisit les clients qu’il veut fidéliser sur des critères directement liés à ses intérêts. C’est à partir de critères comme le chiffre d’affaires, la rentabilité et l’attractivité que l’entreprise va mettre en place des actions pour les garder.
La connaissance des besoins ou attentes des clients sera nécessaire pour concevoir et mettre en place des programmes de fidélisation différents et adaptés par groupes de clients identifiés.
L’histoire de Raymond Martin l’imprimeur peut s’interpréter selon la méthode ABC :
Dans le portefeuille clients de la société Imprim’supports, il y a les 20/80, les « A » : ce sont les 20 % de premiers clients qui font 80 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Ensuite viennent les « B », ceux qu’on appelle les cibles : leur chiffre d’affaire est moyen ou petit mais… le fournisseur a identifié qu’il y avait un potentiel accessible à terme. Enfin viennent les « C » : moyens ou petits clients sans potentiel.
Pour les 20/80, une politique de fidélisation consiste à mettre en place une relation « haute couture » pour se protéger impérativement de la concurrence. Pour les cibles, il s’agit d’investir la relation pour accéder au potentiel. Pour les autres, une gestion en masse et de qualité s’impose.
Mais différencier la relation ne veut pas dire en faire de plus en plus ou de moins en moins selon l’importance du client. Cette erreur est souvent faite et l’on voit certaines entreprises qui accompagnent de façon dégradée leurs petits clients au profit des principaux. En fait, il s’agit de faire de la qualité… différemment.
Développer une hotline dont la finalité est de répondre gratuitement (et rapidement) aux questions pratiques que se posent des petits clients est un bon exemple de ce qui peut être fait auprès de cette clientèle souvent nombreuse.
Et pour en revenir à Alain Romesnil, il vient peut-être de manquer l’occasion de fidéliser durablement un client. En faisant preuve d’un peu plus d’empathie, il aurait pu identifier que ce petit client était en fait une cible : un repreneur plein d’ambition est… en ligne de mire !