Et s’ils avaient tout compris ? En lançant MyLabel, application qui permet d’identifier les produits sains, mais surtout éthiques et responsables en les scannant, Christophe Hurbin, Loïc Tanant et Tarik Tiré comblent une brèche laissée béante par leurs concurrents. Rencontre.
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Application multicritères (nutrition, environnement, social) et plateforme citoyenne, MyLabel permet à chaque consommateur de personnaliser ses envies pour que sa consommation colle au mieux à ses convictions. À l’origine du projet se trouvent Christophe Hurbin, Loïc Tanant, Tarik Tiré. Tous trois veulent aller plus loin que la simple notation des produits comme le fait un Yuka aujourd’hui. Pour cela, MyLabel travaille en collaboration avec des distributeurs, des industriels et des ONG afin d’essayer de changer les choses en profondeur sur le marché de l’alimentation.
Comment est née l’idée de créer MyLabel ?
Christophe Hurbin : Je suis profondément convaincu qu’il est possible et nécessaire de redonner du pouvoir et de la place au consommateur. Aujourd’hui, celui-ci n’a pas les outils nécessaires pour distinguer en magasin un produit durable d’un produit qui ne l’est pas. Le packaging est compliqué à déchiffrer et le taux de confiance dans les entreprises n’a jamais été aussi bas. Ce pic d’attente et cette crise de confiance ont ouvert une brèche dans laquelle nous nous sommes engouffrés.
Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne l’application ?
CH : On commence tout simplement par la télécharger. On choisit ensuite une grande thématique : égalité homme-femme, environnement, biodiversité, respect de la vie des animaux… Après l’inscription, vous pourrez choisir jusqu’à une vingtaine de critères. Il ne vous reste plus qu’à scanner un produit. Tout de suite, vous savez, grâce à un smiley de couleur, si votre achat correspond à vos convictions. Un bonhomme souriant vert si le produit est conforme à vos attentes, ou triste et rouge si l’article ne l’est pas.
Comment faites-vous pour avoir toutes ces informations sur les produits ?
CH : Nous travaillons à la fois avec des associations, des institutionnels et des entreprises. Par exemple, nous nous appuyons sur la base Openfoodfacts (base Wikipedia de la fiche produit, ndlr) et nous collaborons directement avec les distributeurs qui nous donnent libre accès à leurs données. 500 000 produits alimentaires sont donc listés dans nos fichiers.
Combien d’utilisateurs comptez-vous ?
CH : Nous sommes au tout début de l’aventure. L’appli a été lancée officiellement en avril 2019, mais une version pilote était testée par un millier de personnes depuis le mois d’octobre 2018. À terme, nous espérons atteindre le million d’utilisateurs d’ici à la fin de l’année 2019.
Quel est votre modèle économique ?
CH : Nous proposons un système de boucle. Les entreprises n’arrivent pas à lancer de nouveaux produits, car elles ont du mal à cerner les attentes des consommateurs. Grâce à notre application, nous agrégeons anonymement, et avec l’accord des utilisateurs, leurs données sur les produits. Ces données sont remontées aux industriels qui ont souscrit à notre abonnement. Ils peuvent alors améliorer leur offre. Notre idée n’est pas de se limiter à une notation arbitraire, mais bien d’offrir une possibilité aux entreprises de changer.
On ne peut pas s’empêcher de penser à Yuka. On reproche souvent à la startup de ne pas couvrir tous les critères du produit. Une opportunité pour vous ?
CH : Nous avons clairement analysé ce qui existait sur le marché et nous avons remarqué qu’il y avait un manque criant dans les domaines qui touchent à la responsabilité et à l’éthique. Se focaliser uniquement sur la nutrition, ce n’est pas suffisant. Les gens veulent aller plus loin qu’un simple « Le chocolat c’est mauvais ». Les consommateurs ont tous des attentes particulières, d’où l’importance de la personnalisation. C’est ce qui nous différencie. Je me pose aussi la question de la légitimité d’une application à noter des produits. C’est pour cela que nous passons par des ONG. Ces acteurs deviennent des tiers de confiance pour le consommateur.
Vous proposez aussi une fonctionnalité innovante : permettre aux internautes de voir vos pictogrammes de couleur sur les sites de courses en ligne.
CH : Tout à fait. Les consommateurs peuvent installer ce plugin dans Firefox ou Chrome. En allant sur leur site de courses, que ce soit Hourra, Monoprix, Carrefour ou bientôt Leclerc, ils voient s’afficher leur petit label de couleur personnalisé sur les produits qu’ils mettent dans leur panier virtuel. Plus besoin de scanner. En plus, ils peuvent retrouver leur bilan sur leur application, comme d’habitude.
Comment vous reçoivent les distributeurs ? Se méfient-ils ?
CH : Les entreprises ont toutes pris conscience que les consommateurs veulent quelque chose de différent. Du coup, la plupart des distributeurs font des efforts sur les substances controversées dans leur offre. Ils veulent communiquer sur cette démarche et pour cela, les applications sont un outil indispensable. Ils ont compris que leur parole n’avait pas la même valeur que celle d’un tiers. En plus, pour eux, notre proposition est équilibrée. Nous ne condamnons pas les produits, nous sommes plus mesurés. Nous travaillons donc main dans la main avec eux. Je tiens d’ailleurs à faire une annonce : il sera bientôt plus facile de faire son shopping en scannant les produits dans les magasins. La prochaine version de notre application fonctionnera même offline. Plus besoin de chercher du réseau dans les rayons pour savoir si ce produit rentre dans vos critères.