Thibaud Okroglic et Thibault Guemard sont les co-fondateurs de Neovel, une application de lecture qui propose des novels. Ces histoires longues, découpées en une multitude de chapitres courts, sont disponibles sur le web. Ces férus de littérature auraient-ils inventé le Netflix de la littérature ? Éléments de réponse avec Thibaud Okroglic
Thibaud, vous êtes l’un des co-fondateurs de Neovel, que vous avez créé avec votre ami d’enfance Thibault Guemard. De quoi s’agit-il ?
Thibaud Okroglic : C’est une application de lecture qui propose des novels. Ce terme anglo-saxon, à ne pas surtout pas confondre avec la traduction française « nouvelle », désigne un livre entièrement digital, assez long et découpé en une multitude de chapitres courts qui sortent régulièrement. La récurrence des parutions crée un véritable rendez-vous pour les lecteurs, pour ne pas dire une addiction chez les plus fidèles.
Cela signifie que vous publiez à quelle fréquence : un chapitre par jour ?
T.O. : Ça dépend du rythme de publication des auteurs. C’est un milieu surtout amateur, donc beaucoup d’entre eux rédigent par passion et publient sur leur temps personnel. Ça peut être une fois par jour, une fois tous les deux jours, voire une fois par semaine. Mais les plus connus peuvent publier jusqu’à deux chapitres quotidiennement.
Il y a une grande importance du collaboratif dans notre projet
Qui sont les auteurs de vos novels ? Est-ce ceux que l’on retrouve en librairie ?
T.O. : Non, ce sont généralement des auteurs amateurs qui publient essentiellement des novels. On les trouve facilement sur Internet, de Blogspot à WordPress, où certains d’entre eux gagnent leur vie grâce à des donations. Aujourd’hui, nous sommes encore en phase de test, la plateforme web sera terminée début 2019. Dix auteurs nous font déjà confiance. Je gère toute la partie publication de contenu, mais à terme nous aimerions qu’ils le fassent directement et quotidiennement, et qu’ils soient rémunérés pour ça.
Comment les sélectionnez-vous avant de leur offrir une vitrine sur votre site ?
T.O. : Il n’y a pas de sélection pure et dure. Nous souhaitons que la vérification de la qualité des textes se fasse via les lecteurs, qui sont au cœur de Neovel. Il y a une grande importance du collaboratif dans notre projet. Nous voulons qu’ils puissent noter le bouquin ou les chapitres, donner leur avis, commenter… Et on veut que les auteurs amateurs, ceux qui commencent à construire leur communauté, gagnent en influence et des revenus avec nous. Qu’ils soient rémunérés en fonction de leur popularité.
La digitalisation de la littérature passera par ce format novateur, mobile et pratique
Pourquoi avoir créé Neovel ? Est-ce né de votre amour pour la littérature ou de votre goût pour l’entrepreneuriat ?
T.O. : Mon associé, Thibault Guemard, est un gros consommateur de novels. Il s’est rendu compte que, pour être à jour dans ses lectures, il devait ouvrir plusieurs onglets sur son navigateur. Un par site gratuit et par auteur, puis rafraîchir régulièrement la page pour savoir si, oui ou non, le nouveau chapitre était sorti. Ça nous a fait réfléchir. La digitalisation de la musique est passée par Spotify, et ça a marché. Celle des films et des séries est passée par Netflix, et ça a marché. Nous pensons que la digitalisation de la littérature passera par ce format novateur, mobile, pratique et social que sont les novels.
Votre application est disponible dans le monde entier. Quels sont les pays dans lesquels vous êtes le plus implanté ?
T.O. : On vient tout juste de dépasser les 80 000 téléchargements. Notre ambition n’est pas française, elle est réellement internationale. Nos lecteurs majoritaires sont les Américains avec 20% de parts de marché. Nous sommes également présents en Asie, notamment en Inde et aux Philippines, où l’on tourne autour de 8%. Le premier pays européen qui utilise notre application est l’Allemagne, avec à peine 4%. Enfin, la France arrive en 6e position avec 3,4%.
Vous avez remporté le prix coup de cœur de #PitchTonInno à Bpifrance Inno Génération, le 11 octobre dernier. Racontez-nous.
T.O. : Avant Neovel, j’ai participé à la création d’une application de musique SoundR, grâce à laquelle nous avons décroché le Pass French Tech. Ça fait donc un moment que je suis de près Bpifrance, l’une des plus grandes aides sur notre territoire à l’heure actuelle, et j’avais envie d’être présent sur Bpifrance Inno Génération. Sur place, ils organisaient un mini-concours, #PitchTonInno. Je me suis dit que c’était l’occasion de commencer à parler du projet. Nous avons remporté le prix coup de cœur, nous en sommes très fiers.
La France est un pays qu’il va falloir conquérir
Quelles sont les prochaines étapes dans votre développement ?
T.O. : À l’horizon des six prochains mois, nous souhaitons mettre en place une version premium, permettant au lecteur d’accéder à notre contenu hors connexion et sans publicité. À plus long terme, nous voulons nous imposer comme l’application de lecture mobile qui accompagne votre quotidien, en vous proposant des histoires passionnantes. La France est un pays qu’il va falloir conquérir. C’est un territoire qui présente, et représente, des schémas de lecture bien implantés et tournés vers le physique. Nous allons donc nous baser dessus pour comprendre et analyser ces freins à la digitalisation de la littérature, et développer les services indispensables pour favoriser cette transition. Nous devons séduire notre cible première, les lecteurs de novels, afin de développer une base d’utilisateurs impliqués et déjà conquis par ce format. Mais aussi intéresser les amoureux du papier.
Comment comptez-vous les séduire ? Un amoureux du papier peut-il se résoudre à consommer les mots virtuellement ?
T.O. : Cela passe par plusieurs étapes : d’une part, l’offre que nous proposons doit être suffisamment intéressante pour séduire le lecteur traditionnel. D’autre part, le contenu doit être qualitatif et quantitatif, pour que n’importe quel lecteur retrouve son plaisir. Nous devons optimiser le confort de lecture, qui passera par des améliorations de notre service : la luminosité, le fond, la police, la taille de la police, etc. Ensuite, nous devrons communiquer dans ce sens.