C’est une réalité, la donnée est devenue un véritable sujet de compétitivité. Fort de ce constat, Jean-Marc Lazard a fondé OpenDataSoft, une solution capable de simplifier la collecte puis la diffusion des données. Exploiter et valoriser le business à travers la data, tel est le nouvel eldorado des entreprises. Explications avec le CEO.
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« Transformez vos données en action », telle est la promesse d’OpenDataSoft. Racontez-nous ce que cela signifie concrètement.
Jean-Marc Lazard : OpenDataSoft, c’est une plateforme qui permet à des acteurs, que ce soit des entreprises ou des organisations publiques, de partager de manière efficace et sécurisée leurs data avec des tiers. L’objectif est multiple. Tout d’abord, cela sert à gagner ou à renforcer la confiance qu’on a dans son écosystème, avec ses clients ou ses fournisseurs par exemple. Car la data, c’est de la connaissance. Or, analyser et croiser les données entre elles permet de mieux partager cette connaissance. Et puis, il y a la partie innovation. Les grandes entreprises ou les administrations génèrent beaucoup de data, et le fait de libérer cette matière première de l’économie numérique permet d’innover plus vite.
Qu’est-ce qui a servi de déclic quand vous avez créé votre entreprise ?
J-M L. : Il y a sept ans, la donnée sonnait comme un sujet d’experts dans la tête des gens. On a voulu rendre ça simple et ludique, pour que des utilisateurs métiers puissent rapidement et facilement les visualiser. Il n’y a pas besoin d’être un expert chez Google pour savoir regarder des données sur une carte. Nous voulons qu’un directeur marketing ou qu’un responsable d’usine puisse facilement tirer tout le potentiel qu’il peut avoir à partir des data créées de manière naturelle par ses propres systèmes.
Et lorsque l’on s’est lancés, le gouvernement français développait l’initiative open data, qui incitait les administrations et les villes à ouvrir leurs données et à les mettre à disposition du plus grand nombre. D’abord par souci de transparence, mais aussi pour favoriser l’innovation dans le secteur public. On a démarré par là et, petit à petit, le marché a mûri.
« La donnée est un vrai sujet de compétitivité car elle permet d’aller vite »
Historiquement, les business model étaient plutôt basés sur la protection de l’ensemble des données. Aujourd’hui, est-ce devenu un véritable enjeu de compétitivité ?
J-M L. : Exactement. Les entreprises et les administrations pensaient que la donnée était de l’information. Or, l’information, c’est le pouvoir. Ce qui explique pourquoi les gens ne cherchaient pas à la partager. Mais aujourd’hui, toute l’innovation se base sur l’exploitation rapide des data. Cela ne veut pas dire partager tout avec n’importe qui. Et c’est là que nous intervenons. Notre mission consiste à fournir un dispositif en ligne, prêt à l’emploi et efficace. Aujourd’hui, on est obligés d’avoir une démarche d’ouverture et de partage des données. C’est ce qui permet d’aller vite, et c’est la raison pour laquelle c’est un vrai sujet de compétitivité. Et grâce à notre plateforme, c’est possible.
Est-ce que vous rencontrez des entreprises encore frileuses à l’idée de vous confier leurs données ?
J-M L. : Je dirais plutôt « précautionneuses », et c’est normal. On ne cherche pas à déresponsabiliser les sociétés. La donnée est un sujet sensible, car elle détient une information qui ne doit pas être détournée ou travestie. Aujourd’hui, les entreprises sont plus matures et prennent les choses de façon rationnelle. En revanche, ça ne veut pas dire qu’elles savent par où commencer. Ensemble, nous essayons de bâtir un plan stratégique et progressif, qui va impacter beaucoup de choses, et notamment l’organisationnel, comme les habitudes des collaborateurs ou la façon de travailler.
Le marché de la data est extrêmement bataillé. Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents aujourd’hui ?
J-M L. : En effet, il y a beaucoup d’acteurs très techniques. Mais nous avons décidé de nous orienter sur la partie business de la donnée. Nous travaillons à la rendre visible, exploitable, actionnable, réutilisable par les métiers. On est vraiment sur le dernier kilomètre de la donnée.
Vous avez fait partie du programme d’accélération de Bpifrance Le Hub, aux côtés de certains autres acteurs que vous mentionnez. Quels bénéfices en avez-vous retirés ?
J-M L. : Grâce à Bpifrance Le Hub, nous avons pu entrer en relation avec des grands donneurs d’ordre. Ça a été extrêmement important pour nous en termes de crédibilité, ça nous a permis de networker et de travailler avec des grands groupes. Il y a également tout un tas de mécanismes financiers, des systèmes de prêts, comme lors de notre dernière levée de fonds, lorsque Bpifrance a abondé en termes de trésorerie.
Aujourd’hui, vous êtes présent en Europe mais également aux États-Unis. Les Américains abordent-ils la data différemment ?
J-M L. : En effet, il y a une vraie différence dans la culture de la donnée. En France, on a une culture de l’ingénieur, alors que dans la sphère anglo-saxonne, les pays sont drivés par la data, par l’aspect quantitatif. Ils sont beaucoup plus sur l’usage et la résolution de problèmes concrets. D’autre part, il y a l’aspect juridique. En Europe, nous définissons en amont ce que nous avons le droit de faire avec la donnée. Certains disent que ça bride l’innovation. Aux États-Unis, c’est un peu l’inverse : par défaut, vous avez le droit de tout faire. Ça change la façon dont les acteurs abordent leurs projets, ils prennent moins de précautions.
« Dans quelques années, la data sera devenue une évidence »
L’écosystème de la data a énormément évolué ces dernières années. Comment vous l’imaginez dans cinq ans ?
J-M L. : On va forcément assister à de la concentration. Toute grosse société va devoir intégrer ces compétences-là en interne, et elle ne pourra pas le faire sans racheter des acteurs de taille intermédiaire, spécialisés dans ce domaine. Aujourd’hui, on parle de la data car il y a des transformations importantes. Mais dans quelques années, ce sera devenu une évidence : il faudra que ça circule de manière efficace et sécurisée. Peut-être qu’on l’abordera d’une autre manière. Car la donnée, c’est une trace derrière un objet connecté. Et derrière un objet connecté, il y a un humain… Émergeront alors d’autres problématiques, comme celles du hacking ou de la cyber-sécurité.
Quels sont vos ambitions et axes de développement pour l’avenir ?
J-M L. : Nous avons de vraies ambitions à l’international. Nous voulons renforcer notre leadership en Europe et renforcer notre positionnement aux États-Unis. Nous souhaitons également faire évoluer notre solution. Le spectre des sujets liés à la donnée évolue et nous ne sommes que l’un des maillons de la chaîne. L’idée, c’est d’aller voir le maillon d’à côté, afin de devenir un champion européen de la donnée, avec une empreinte mondiale.