Peluches, serious game, tablettes numériques : pour accompagner les enfants hospitalisés sur leur parcours opératoire, Nolwenn Febvre a préféré leur prescrire des sourires. Un projet devenu national, qui continue de s’introduire dans les différents établissements hospitaliers. [Entretien]
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Nolwenn Febvre : D’une infirmière anesthésiste au CHU de Rennes, qui, un soir en rentrant, était épuisée d’entendre des pleurs d’enfants. Ça devenait obsessionnel. À cet instant, deux options se sont offertes à moi : changer de métier, ou agir.
J.G : Et vous avez préféré faire bouger les choses ?
N.F. : Naïvement sans doute, j’ai eu l’idée d’envoyer un mail à la société Moulin-Roty qui fabrique des peluches, en leur disant : « Si vous avez des doudous en trop, pourriez-vous nous en envoyer pour les enfants hospitalisés ? ». Et ça a payé. Quelques jours plus tard, j’ai reçu un carton rempli de peluches.
J.G : Des doudous, ça peut paraitre anecdotique, mais pas pour des enfants hospitalisés ?
N.F. : Vous ne pouvez pas imaginer leur sourire quand on leur a offert ces doudous. C’est ce qui a déclenché mon envie d’aller plus loin, pour eux. J’ai embarqué deux collègues dans cette aventure. On a créé notre association puis on a entamé une recherche de financements, jusqu’à ce jour, où j’ai trouvé dans les poubelles de l’hôpital un fil de bistouri électrique. En le dénudant, on s’est aperçu que le cuivre qu’il contenait pouvait financer nos doudous. On a fait passer le mot à tous les blocs et on est devenu des « infirmiers et médecins ferrailleurs » !
« C’est un jeu qui permet d’accompagner les enfants sur leur parcours opératoire. C’est d’ailleurs devenu une prescription médicale. »
J.G : Vous avez surtout trouvé votre modèle économique…
N.F. : Absolument, mais pas uniquement. Ce modèle nous permet en plus de valoriser les déchets hospitaliers, que l’on recycle.
J.G : Quelques années plus tard, où en êtes-vous dans cette aventure humaine ?
N.F. : 40 associations un peu partout en France, jusqu’en Polynésie et des projets pleins la tête ! Par exemple, on a développé une application numérique de serious game. C’est un jeu qui permet d’accompagner les enfants sur leur parcours opératoire. C’est d’ailleurs devenu une prescription médicale.
J.G : Au-delà de l’association, vous avez créé une « vraie » entreprise ?
N.F. : Pour faire avancer ces 40 associations ensemble, on a choisi de monter une association nationale et de développer notre marque. On a créé la SA Doudous Développement qui est d’ailleurs en cours d’agrément ESUS (ndlr : Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale).
J.G : À vous entendre, il semblerait que rien ne vous arrête. Jusqu’où souhaitez-vous aller avec vos Doudous ?
N.F. : Encore plus loin. L’idée, c’est vraiment de tout faire. On est pratiquement 300 soignants engagés dans ce projet, et ce chiffre ne cesse d’augmenter. Je n’ai même pas besoin de solliciter les hôpitaux pour les inciter à nous rejoindre. Ce sont eux qui viennent à nous. En ce moment, on entend beaucoup parler de souffrance au travail, notamment dans le milieu hospitalier, et je crois que cet engagement redonne du sens à nos actions en montrant les bons côtés de nos métiers.
J.G : Donc, vous n’avez plus envie de jeter l’éponge et de changer de métier, comme vous l’aviez imaginé quelques années plus tôt ?
N.F. : J’ai complètement changé de vision. Aujourd’hui, mon travail me fait énormément de bien. Le fait de voir tous ces sourires sur le visage des enfants me motive et redonne un sens à mon quotidien, à notre quotidien. Certes, je ne vous cache pas que mon planning est très chargé, mais c’est pour cette raison que l’on a créé une entreprise, pour structurer le projet. Je souhaite continuer à travailler, car c’est la réalité du terrain qui fait que nous comprenons les besoins des enfants. Mais à terme, je vais devoir me décharger de certains dossiers.
« En ce moment, on entend beaucoup parler de souffrance au travail, notamment dans le milieu hospitalier, et je crois que cet engagement redonne du sens à nos actions…»
J.G : Votre action vous a valu le Prix EY de l’Engagement Sociétal pour la Région Ouest, puis le Prix national. C’est une belle victoire ?
N.F. : Ce qui est très fort, c’est de recevoir un prix dans le cadre du Prix de l’Entrepreneur de l’Année, pour des soignants ! On était aux côtés de géants comme SODEBO, qui est un modèle d’entreprise et qui réalise des centaines de millions de chiffre d’affaires. Ce prix souligne notre engagement sociétal, ce qui est très fort pour nous. Au-delà de l’énergie que ça nous envoie, on a eu de belles retombées, et plusieurs contacts. Ça restera dans notre histoire, c’est certain.
J.G : Si vous aviez un message à adresser à l’humanité, lequel serait-il ?
N.F. : La vie est parfois très difficile, mais il faut apprendre à profiter de chaque petit instant qui peut nous aider à passer certains caps. J’apprends à mes enfants à profiter du printemps, à regarder les fleurs. C’est peut-être bateau, mais je suis convaincue que la vie est belle, et qu’il faut se nourrir de pleins de petits moments, de pleins de petites victoires.