Vous avez certainement entendu parler de WYKER, l’application de rencontres autour de la musique. À 27 ans, sa fondatrice Morgane Canastra, nous partage ses ambitions, sa vision de l’entrepreneuriat en tant que « millenials », mais aussi, ce jour où un lycéen lui a lancé « Tu es patronne et tu ne te rémunères pas ? » – Non, mais Allô quoi… [Entretien]
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Julie Galeski : En lançant une app de « matching social », tu n’as pas peur que l’on dise de toi que tu es le « Tinder de la musique » ?
Morgane Canastra : Non, et d’ailleurs c’est en partie vrai. On est un peu le Tinder de la musique. On assume tout à fait le fait de pouvoir matcher des gens entre eux : avec leurs amis mais aussi avec des fans sur l’app s’ils les ajoutent à leurs amis sur WYKER. Avec WYKER on peut matcher avec n’importe qui ! D’ailleurs, en faisant la démo à un investisseur, nous avons découvert que l’on matchait ensemble sur un concert. Ça a été l’élément qui l’a motivé à investir !
J.G : Où es-tu allée chercher l’inspiration pour ce nom ?
M.C : Un soir, pendant un brainstorming. Je tenais absolument à trouver un nom qui finisse par -ER – pour résonner à l’international. On s’est mis à écrire des tas de syllabes sur une feuille de papier, puis on s’est concentré sur le W qui rappelle le week-end… Ensuite, il a simplement fallu trouver les quelques lettres manquantes pour lier le tout, ce qui a donné WYKER ! Un nom court, en deux syllabes, qui sonne international.
J.G : Quelle a été la réponse la plus drôle tu aies entendu quand tu as expliqué ton projet à une personne pour la première fois ?
« Est-ce que je pourrai matcher avec ma voisine pour savoir à quel concert l’inviter ? » (Rire). Dans le domaine « anecdotes », il y en a une autre qui me vient à l’esprit mais qui m’a fait rire jaune. Le jour où je suis allée chercher mes registres de société, la personne m’a demandé qui m’envoyait, sous-entendu qu’étant donné mon jeune âge, et peut-être même parce que je suis une femme, je ne pouvais être que la secrétaire ou la stagiaire qu’on envoyait chercher les registres…
Ce n’est pas parce qu’une app est « révolutionnaire » qu’elle rencontre forcément son marché…
J.G : Des dizaines de nouvelles apps « révolutionnaires » se lancent chaque jour, tu n’as pas peur de tomber rapidement dans l’oubli ?
Avoir peur de tomber dans l’oubli c’est déjà renoncer face à la peur. Nous sommes une équipe de convaincus et passionnés, de gens déterminés. Notre objectif est d’être connus et reconnus par tous les amateurs de live music : 220 millions de personnes dans le monde chaque année. La musique, je pense que c’est ce qui parle le plus au monde entier. C’est un art qui passionne, qui émeut, qui donne des frissons. Ensuite, ce n’est pas parce qu’une app est « révolutionnaire » qu’elle rencontre forcément son marché donc on a toutes nos chances face à toutes les apps de musique qui existent déjà. On a fait le choix de se positionner sur un marché très ciblé, la verticale de la live music qui se développe à vitesse grand V depuis quelques années grâce au streaming musical qui permet aux personnes d’avoir un budget plus conséquent pour aller vivre des expériences musicales avec leurs amis.
J.G : Et quelle va être votre stratégie pour perdurer ?
Ajouter de nouvelles fonctionnalités sociales pour rendre l’app indispensable. On prépare également une deuxième levée de fonds pour attaquer le marché américain très rapidement, qui est le plus gros marché. Je m’envole d’ailleurs pour New-York le 11 avril prochain.
J.G : À 27 ans tu as déjà de très belles ambitions. Tu fais partie des « Millenials », cette génération en quête de liberté. C’est pour ça que tu as choisi de te lancer dans l’entrepreneuriat ?
Ce qui m’a poussé à entreprendre c’est surtout ce potentiel d’être acteur d’un changement, cette liberté et ce pouvoir de créer quelque chose qui a la capacité d’améliorer le quotidien de chacun. En me lançant, j’ai aussi découvert à quel point c’était aussi et surtout une aventure humaine. L’entrepreneuriat doit rester une envie personnelle et pas une motivation qui est le résultat d’une effervescence autour de l’écosystème. Je pense que la clef, c’est la sincérité, entreprendre sincèrement dans un domaine qui nous passionne.
« Tu es patronne et tu ne te rémunères pas ? C’est vrai ? »
J.G : D’ailleurs, quel est ton point de vue sur cette génération ?
C’est une génération qui fonctionne au coup de coeur. C’est d’ailleurs ce qui explique qu’elle fasse autant peur qu’elle fascine. Je pense qu’elle va changer le monde sur tous les plans : travail, société, politique. C’est une génération qui assume ses choix, raison pour laquelle Snap est l’une des plus belles success stories d’adoption, fondée par un millennial qui n’en a fait qu’à sa tête !
Et puis, je pense que comme moi, beaucoup de jeunes entrepreneurs de mon âge ne sont pas motivés par l’argent. Récemment, je suis allée parler d’entrepreneuriat dans mon ancien lycée pour montrer aux élèves que rien n’est impossible et qu’aucune ligne professionnelle n’est tracée. L’un d’eux m’a demandé combien je me rémunérais. Je lui ai répondu que je ne me versais pas encore de salaire mais qu’en revanche, j’avais déjà embauché mon premier salarié en CDI. Sa réponse m’a fait sourire : « Tu es patronne et tu ne te rémunères pas ? C’est vrai ? ». Sa réponse m’a montré à quel point la notion de prise de risque dans toute sa largeur n’est pas assez connue et qu’entreprendre, monter sa boîte, c’est avant tout une aventure humaine, la volonté de changer et d’améliorer le monde sur la verticale qui nous passionne, et non une motivation financière avant tout.