Loïc Le Meur adore cette startup. Pour nous, le fondateur de Jagger & Lewis, Alexandre Delille, évoque ses prochains enjeux pour son entreprise.
Widoobiz : Comment est née l’idée du collier connecté ?
Alexandre Delille : Ça a failli démarrer par un drame. J’avais une fois laissé mon chien dans un chenil quand j’étais parti en vacances. Malheureusement, le stress lui a provoqué un retournement de l’estomac. Si le manager du chenil ne l’avait pas vu et n’avait pas fait le bon diagnostic, mon chien serait mort dans la nuit.
W : Et donc vous vous lancez tout de suite dans le collier connecté ?
AD : Pas tout de suite. A cette période, je suis en train de vendre ma société. Mais, comme je suis ingénieur en nouvelles technologies, je m’intéresse de très près aux objets connectés. J’ai vu le boitier Google Nest et je me suis dit : si on est capable d’observer une famille et de déduire un comportement de manière automatisé, on est capable alors d’observer un comportement, de l’analyser et de savoir si c’est normal ou non. Autrement dit, on peut obtenir les informations nécessaires et intervenir de manière naturelle pour le bien-être de mon chien.
W : Le collier connecté n’est pas un objet anodin. Est-ce qu’on vous prend toujours au sérieux quand vous présentez Jagger & Lewis ?
AD : (Rires) Parce que c’est un produit pour chien, ce ne serait pas sérieux ?
W : Nous on adore, mais vous savez qu’il y a un peu de tout dans les objets connectés
AD : C’est vrai qu’il y a beaucoup de produits dans les objets connectés qui ne sont pas si innovants que ça. Des gens aussi m’ont dit : « je n’ai pas besoin d’un produit pour voir comment va mon chien ». Mais, notre produit est capable de reconnaître un comportement. Il a été travaillé avec un vétérinaire comportementaliste. Les investisseurs et les partenaires savent que nous sommes sérieux.
W : Par exemple, on peut savoir s’il est en train de faire une bêtise ?
AD : On va déjà essayer de qualifier la bêtise. Dans un premier temps, on va essayer de détecter s’il mange. Est-ce que c’est un repas régulier ? Est-ce que ça dure longtemps ? On peut partager ensuite l’information et demander au maître : est ce que c’est normal ou non ? Nous avons aussi un microphone associé au collier : donc on va voir si le chien aboie beaucoup ou non. Avec les nouvelles mises à jour du collier, on saura même s’il est en train de ronger un morceau de bois et si, encore une fois, c’est normal.
W : Vous aidez le maître à comprendre ce qui se passe chez son meilleur ami
AD : Exactement. Notre but n’est pas de stresser la famille. Il s’agit juste de comprendre ce qui a pu générer un stress chez le chien afin d’aider au mieux le propriétaire dans sa prise de décision. On n’est pas là pour donner des leçons. Sûrement pas ! On est vraiment là en douceur pour aider à renforcer le lien qui peut exister entre le maître et le chien, mais avec un regard que le maître n’a pas forcément.
W : C’est quoi la pire phrase que vous avez pu entendre depuis que vous vous êtes lancé ?
AD : J’ai vu un commentaire il y a quelques jours sur internet où la personne comparait le collier connecté à un micro-ondes… Etonnant ! Notre collier n’émet que quelques secondes en Wifi pour envoyer les données toutes les 30 minutes. Si la personne vit avec le Wifi, alors c’est elle qui vit dans un micro-ondes, non ? Je lui ai posé la question, mais je n’ai pas eu de réponses. Ce qui est drôle, c’est que 85% de nos ventes sur Kickstarter sont réalisées à l’étranger. Mais, 80% des commentaires sont faits en France (rires).
W : D’ailleurs, comment ça se passe cette campagne Kickstarter ?
AD : Selon toute vraisemblance, nous devrions atteindre notre objectif de 50 000€. La campagne devrait nous apporter entre 500 et 600 ventes. Ce qui nous fait, sur une projection d’une année, 6 à 7000 colliers. C’est à peu près ce à quoi nous nous attendions. Mais, au-delà du montant, cette campagne Kickstarter nous permet surtout de lancer un 1er plan de communication et d’affiner notre discours marketing.
W : Ces fonds vont-ils servir un objectif particulier ?
AD : Cette somme va nous aider à financer la production, mais pas la R&D. Cela fait 18 mois que je la finance avec un nombre de dispositifs, subventions, prêts, bourses French Tech. Je n’ai pas fait non plus une campagne pour voir si on va durer dans le temps. Aujourd’hui, nous avons les moyens d’être à l’aise sur les 6 à 10 prochains mois. Nous voulons maintenant trouver une aide financière pour accélérer nos ventes.
W : Est-ce qu’on peut imaginer de nouveaux produits dans un avenir proche ?
AD : C’est toujours difficile d’en parler. Quand on rencontre des investisseurs, des partenaires et qu’on leur parle de nouveaux produits, ils nous disent souvent : « restons focus sur ce produit ». Difficile dans ces conditions de se mettre dans un autre temps. Mais, aujourd’hui avec notre plateforme technologique, on peut s’autoriser très vite de nouveaux produits.
W : Un dernier mot à dire aux entrepreneurs :
AD : On sait qu’il faut être persévérant. Mais, ce qui est assez incroyable pour Jagger & Lewis, c’est la frilosité que l’on peut trouver en France (pas tous évidemment). S’ils n’ont pas eu de chien, le produit ne les intéresse pas. L’affect rentre très vite en ligne de compte. C’est un peu frustrant de se dire que tu peux mettre en place un Business Plan, montrer qu’il y a une population pour acheter ton produit, mais si ton interlocuteur n’aime pas les chiens, il va avoir du mal à te croire.
W : Ce n’est pas le cas à l’étranger ?
AD : Nous avons eu énormément de sollicitation de l’Asie. On a été en Corée du Sud et aux USA. D’ailleurs, beaucoup de grands groupes essaient de dénicher des informations. Et ce n’est pas toujours facile pour une startup comme nous. Il faut trouver un équilibre, mais on ne va pas se plaindre. Au moins, on sait que notre produit plaît.