Michel Rocard est mort samedi dernier à 85 ans. Retour sur un homme politique qui a pensé en dehors des sentiers battus.
Une époque s’en va. Avec la mort de Michel Rocard samedi dernier à 85 ans, la gauche française perd une certaine idée de la social-démocratie. Homme politique, mais aussi penseur de la gauche, Michel Rocard n’a cessé de penser en dehors du cadre. Ce qui lui a permis de théoriser « la deuxième gauche », plus décentralisatrice, plus sociologique, plus économique. Une voie à l’époque opposée à celle de François Mitterrand.
Moins tribun et charismatique que son éternel rival, Michel Rocard a plus marqué les esprits par sa cohérence intellectuelle que par ses formules-chocs ou ses coups médiatiques. Malgré un final peu glorieux (14,5% aux élections européennes), l’homme politique est resté actif. Il s’est engagé notamment sur l’Europe, le conflit israélo-palestinien et, surtout, l’écologie. Un chemin qui lui a permis de formuler plusieurs phrases-chocs.
« L’économie ne se change pas par décret »
Lors de la victoire de François Mitterrand, Michel Rocard note tout de suite sa différence. Il ne pense pas que la France est « passée de l’ombre à la lumière », selon l’expression de Jack Lang. Au contraire, il craint la politique économique de son propre camp. « Je vous demande ce soir d’avoir une pensée pour cette partie de la France qui ne partage pas notre joie ».
Pour lui, la politique économique doit être le fruit de la concertation entre toutes les parties prenantes de l’économie : syndicat, patrons, salariés, collectivités territoriales. Autant dire que le Parti Socialiste n’est pas du tout sur cette ligne. En quelques mois, elle accorde de nouveaux droits sociaux sans contrepartie. Résultat, l’économie se tend et, deux ans après, en 1983, François Mitterrand est obligé de changer son fusil d’épaule.
« Parler vrai n’est pas suffisant. Encore faut-il avoir quelque chose à dire »
Étonnant venant d’un homme politique. Homme d’analyse avant tout, Michel Rocard veut enseigner et transmettre à gauche. Il n’assène pas des vérités. Il préfère discuter des positions idéologiques. La petite phrase ne l’intéresse pas non plus. Ce qui le perdra. Son souci d’explication passe moins bien à la télévision. Les guignols se feront un plaisir d’ailleurs de l’allumer chaque soir de la semaine.
« Il n’y a pas d’employés sans employeurs »
Une phrase anodine, et pourtant. À l’époque son parti pense que l’économie se décrète. Le chômage ? C’est parce que les patrons ne veulent pas embaucher. Pourquoi ? Parce qu’ils préfèrent garder leur marge. La vision du patronat reste très archaïque pour une bonne partie des hiérarques de la gauche de son époque.
Michel Rocard veut sortir de cette vision simpliste. Il compte d’ailleurs sur les patrons pour améliorer le taux de chômage. Mais, cela prend du temps. Et puis, les patrons de l’époque n’ont pas une confiance absolue dans le 1er ministre.
« La vie est un tissu de poignards qu’il faut boire goutte à goutte »
Une belle phrase qui rappelle la dureté du milieu politique. Malgré tous les espoirs fondés sur lui, Michel Rocard n’aura jamais pu mettre en application ses idées. Il reste encore aujourd’hui dans l’esprit de beaucoup de sympathisants, un très beau symbole. Mais, le manque de maîtrise des outils de communication l’a coupé dans son élan. Il reste aujourd’hui sans héritier affiché.
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