Le cabinet Technologia, qui évalue les préventions des risques professionnels, a récemment publié une étude permettant de définir et de quantifier le burn out ou épuisement professionnel.
Comment expliquer cet état de stress au travail? Et surtout comment y remédier? Voici quelques pistes de réflexions et d’actions.
Les chiffres du stress au travail
Plus de 3 millions de personnes, soit 12,6% de la population active, seraient en état de risque élevé d’épuisement professionnel. Extrême fatigue, anxiété généralisée, stress permanent ou dépression sont les signes de ce burn out.
Artisans, commerçants, agriculteurs sont les catégories les plus touchées par le risque de burn out. 20% d’entre eux se disent soumis à un travail excessif et compulsif.
Les chefs d’entreprises ne sont pas non plus épargnés par ce mal-être. Olivier Torrès, enseignant-chercheur à l’université de Montpellier I et à l’EM Lyon, a créé l’observatoire Amarok pour étudier la santé des chefs d’entreprises. Sur un panel de 400 dirigeants de PME, environ 10% seraient proches du burn out.
Dans le monde professionnel, quels sont les moyens de combattre le mal-être en entreprise?
Quelques pistes de réflexions.
La reconnaissance du travail
« Sans la reconnaissance, l’individu ne peut se penser en sujet de sa propre vie. »
Axel Honneth, philosophe et sociologue allemand, est à l’origine de la théorie de la reconnaissance, qui pose le paradigme suivant : il ne saurait exister de justice sociale si les individus ne sont pas reconnus et valorisés socialement.
Cette théorie s’applique parfaitement à l’échelle du travail. Selon Pierre-Yves Gomez, auteur de l’ouvrage « Le travail invisible », le travail constitue une triple expérience :
– une expérience subjective, effectuée par un être singulier
– une expérience objective, qui a pour résultat un objet matériel, un bien ou un service
– une expérience collective, valorisée par la solidarité entre les travailleurs.
Cette triple dimension du travail s’est réduite au fil du temps, mettant au premier plan la seule expérience objective. La performance économique prédomine sur le travail singulier et solidaire. Or, sans reconnaissance, le travail n’a plus de sens : « Sans reconnaissance, le travail est anonyme et donc vidé d’une partie de sa réalité, comme s’il avait été accompli par personne ou par n’importe qui. Cette négation du travailleur en tant qu’être singulier, qui le fait devenir transparent pour son interlocuteur, est une des violences les plus grandes que l’on puisse lui faire ».
Reconnaître le travail de chacun est donc un facteur de bien-être en entreprise.
Réhabiliter le dialogue et la controverse professionnelle
“L’existence de points de vue différents, non seulement, n’est pas un drame, mais elle peut être d’abord source de développement de l’efficacité et de la santé au travail”. Voici un des axes développés par Yves Clot, titulaire de la chaire de psychologie du travail au Cnam.
Yves Clot prend le contrepied des RPS ou Risques Psycho-Sociaux en les renommant Ressources Psychologiques et Sociales des Salariés. Les individus ne subissent pas les risques, mais les vivent, là est toute la différence! Face aux risques, l’employé enrichit son expérience.
Le meilleur remède au stress est de prendre plaisir à faire un travail soigné et d’en tirer un maximum de fierté. L’idée principale est de travailler ensemble à résoudre un dilemme de métier. Nous parlons ici de dilemme car la qualité du travail ne se détermine pas en fonction d’un critère, mais de plusieurs.
La thèse d’Yves Clot analyse les effets du dialogue et de la controverse entre les différents acteurs autour, par exemple, des risques pris au travail, ou des choix techniques en matière de santé. Ainsi, le dialogue et la controverse donnent lieu à une dispute professionnelle. Plus le salarié sera impliqué, plus il proposera des idées innovantes pour l’entreprise.
La communication interpersonnelle est ainsi un facteur important de bien-être au travail.
Repenser les organisations pour faire évoluer les attitudes
Chez April, le management est fondé sur la confiance accordée aux employés, leur permettant d’exercer une certaine liberté dans leur travail, d’être force de propositions et de se sentir acteurs du changement dans l’entreprise. Concrètement, le collaborateur est associé étroitement aux réflexions et aux décisions. L’entreprise s’est dotée de 4 principes d’actions dans le management au quotidien : faire confiance, oser, innover, faire simple.
Pour Extia, cabinet conseil en ingénierie, les dirigeants, Nicolas Bourdin et Arnaud Frey, recrutent leurs collaborateurs par affinités car ils sont convaincus que les compétences s’acquièrent au fur et à mesure.
Certaines sociétés comme Sogilis vont même jusqu’à faire disparaître la hiérarchie : les 20 employés travaillent ensemble sans manager et cela fonctionne.
Il y a donc de nombreuses pistes à explorer pour élever le niveau de bien-être des salariés au sein des entreprises.
Bruno Rousset