Yannick Le Guern reçoit Pierre Rabhi, pour une émission tournée vers la terre et l’humanisme, dans l’émission « L’art de changer le monde et de bâtir une humanité meilleure » sur Radio Widoobiz.
Pierre Rabhi, paysan, penseur et écrivain nous transmet dans un livre-entretien avec Olivier le Naire : « Le semeur d’espoirs » aux editions acte sud, sa vision d’une humanité plus respectueuse de la terre, de l’autre, de soi.
Il effectue un retour à la terre en 1961, devient gardien de chèvre, puis développe un procédé agro-écologique permettant de cultiver sur des terres pauvres et presque sans eau. Il va étendre cette expérience en France et dans de nombreux pays.
A travers son parcours de vie, de pensée et d’actions il nous montre que l’Homme peut s’améliorer et influer sur le destin, que la vie est un chemin initiatique et que ce qui nous arrive préside à notre évolution.
Nous évoquerons l’agro-écologie bien sûr, mais également l’éducation, pour sortir des rapports basés sur la compétition, de notre rapport à la terre, de la question de l’essentiel, de la modernité, du sens de la vie, de la connaissance de soi, de l’univers et du bien commun.
Par sa vie, Pierre Rabhi nous interroge sur comment vivre en étant juste avec soi et avec les autres, comment changer par la réconciliation, par l’Amour et la bienveillance, pour trouver et développer une énergie partagée, celle de bâtir un monde plus doux, humain et respectueux.
Nous évoquerons le heureux hasard sur le chemin, les anges qu’on croise, les rencontres improbables mais merveilleuses de Yehudi Menhuin à Sankara en passant par celles des amis mis sur la route pour faire grandir.
On y verra qu’on peut, à l’instar de Yehudi Menhuin s’émerveiller d’un bois, d’une fleur, mais également que l’écologie est la conscience de la majesté de la vie et que les utopies sont peut être l’intelligence de la transgression permettant de revoir nos priorités et de trouver la quintessence par une sobriété heureuse.
Nous parlerons de beauté, d’esthétique de vie, du féminin et du masculin, d’apprendre et d’exercer la solidarité, la fraternité.
Nous finirons en parlant de Colibri et d’actions et attitudes concrètes pour changer le monde avec la charte internationale pour la terre et l’humanisme.
Charte internationale pour la terre et l’humanisme de Pierre Rabhi :
Basé sur la fédération de toutes les consciences qui partagent les mêmes valeurs, le Mouvement pour la Terre et l’humanisme est libre de toute référence idéologique, politique ou confessionnelle, ainsi que de toute autorité spirituelle ou laïque. La planète Terre est à ce jour la seule oasis de vie que nous connaissons au sein d’un immense désert sidéral. En prendre soin, respecter son intégrité physique et biologique, tirer parti de ses ressources avec modération, y instaurer la paix et la solidarité entre les humains, dans le respect de toute forme de vie, est le projet le plus réaliste, le plus magnifique qui soit.
Constats : La Terre et l’Humanité gravement menacées
Le désastre de l’agriculture chimique
L’industrialisation de l’agriculture, avec l’usage massif d’engrais chimiques, de pesticides et de semences hybrides et la mécanisation excessive, a porté gravement atteinte à la terre nourricière et à la culture paysanne. Ne pouvant produire sans détruire, l’humanité s’expose à des famines sans précédent.
Humanitaire à défaut d’humanisme
Alors que les ressources naturelles sont aujourd’hui suffisantes pour satisfaire les besoins élémentaires de tous, pénuries et pauvreté ne cessent de s’aggraver. Faute d’avoir organisé le monde avec humanisme, sur l’équité, le partage et la solidarité, nous avons recours au palliatif de l’humanitaire. La logique du pyromane-pompier est devenue la norme.
Déconnexion entre l’humain et la nature
Majoritairement urbaine, la modernité a édifié une civilisation “hors sol”, déconnectée des réalités et des cadences naturelles, ce qui ne fait qu’aggraver la condition humaine et les dommages infligés à la Terre.
Le mythe de la croissance illimitée
Le modèle industriel et productiviste sur lequel est fondé le monde moderne prétend appliquer l’idéologie du “toujours plus” et la quête du profit illimité sur une planète limitée. L’accès aux ressources se fait par le pillage, la compétitivité et la guerre économique entre les individus. Dépendant de la combustion énergétique et du pétrole dont les réserves s’épuisent, ce modèle n’est pas généralisable.
Les pleins pouvoirs donnés à l’argent
Mesure exclusive de prospérité des nations classées selon leur pib et pnb , l’argent a pris les pleins pouvoirs sur le destin collectif. Ainsi, tout ce qui n’a pas de parité monétaire n’a pas de valeur et chaque individu est oblitéré socialement s’il n’a pas de revenu. Mais si l’argent peut répondre à tous les désirs, il demeure incapable d’offrir la joie, le bonheur d’exister…
Quelle planète laisserons-nous à nos enfants ? Quels enfants laisserons-nous à la planète ?
Propositions
Vivre et prendre soin de la vie
Incarner l’utopie
L’utopie n’est pas la chimère mais le “non-lieu” de tous les possibles. Face aux limites et aux impasses de notre modèle d’existence, elle est une pulsion de vie, capable de rendre possible ce que nous considérons comme impossible. C’est dans les utopies d’aujourd’hui que sont les solutions de demain. La première utopie est à incarner en nous-mêmes car la mutation sociale ne se fera pas sans le changement des humains.
Sobriété heureuse
Face au “toujours plus” qui ruine la planète au profit d’une minorité, la sobriété est un choix conscient inspiré par la raison. Elle est un art et une éthique de vie, source de satisfaction et de bien-être profond. Elle représente un positionnement politique et un acte de résistance en faveur de la Terre, du partage et de l’équité.
Le féminin au coeur du changement
La subordination du féminin à un monde masculin outrancier et violent demeure l’un des grands handicaps à l’évolution positive du genre humain. Les femmes sont plus enclines à protéger la vie qu’à la détruire. Il nous faut rendre hommage aux femmes, gardiennes de la vie, et écouter le féminin qui existe en chacun d’entre nous.
L’agroécologie, alternative indispensable
De toutes les activités humaines, l’agriculture est la plus indispensable car aucun être humain ne peut se passer de nourriture. L’agroécologie que nous préconisons comme éthique de vie et technique agricole permet aux populations de regagner leurs autonomie, sécurité et salubrité alimentaires tout en régénérant et préservant leurs patrimoines nourriciers.
La Terre et l’humanisme indissociable
Nous reconnaissons en la Terre, bien commun de l’humanité, l’unique garante de notre vie et de notre survie. Nous nous engageons en conscience, sous l’inspiration d’un humanisme actif, à contribuer au respect de toute forme de vie et au bien-être et à l’accomplissement de tous les êtres humains. Enfin, nous considérons la beauté, la sobriété, l’équité, la gratitude, la compassion, la solidarité comme des valeurs indispensables à la construction d’un monde viable et vivable pour tous.
Relocalisation de l’économie
Produire et consommer localement s’impose comme une nécessité absolue pour la sécurité des populations à l’égard de leurs besoins élémentaires et légitimes. Sans se fermer aux échanges complémentaires, les territoires deviendraient alors des berceaux autonomes valorisant et soignant leurs ressources locales. Agriculture à taille humaine, artisanat, petits commerces… devraient être réhabilités afin que le maximum de citoyens puissent redevenir acteurs de l’économie.
Une autre éducation
Nous souhaitons de toute notre raison et de tout notre coeur une éducation qui ne se fonde pas sur l’angoisse de l’échec mais sur l’enthousiasme d’apprendre. Qui abolisse le “chacun pour soi” pour exalter la puissance de la solidarité et de la complémentarité. Qui mette les talents de chacun au service de tous. Une éducation qui équilibre l’ouverture de l’esprit aux connaissances abstraites avec l’intelligence des mains et la créativité concrète. Qui relie l’enfant à la nature à laquelle il doit et devra toujours sa survie et qui l’éveille à la beauté et à sa responsabilité à l’égard de la vie. Car tout cela est essentiel à l’élévation de sa conscience. Pour que les arbres et les plantes s’épanouissent, pour que les animaux qui s’en nourrissent prospèrent, pour que les hommes vivent, il faut que la terre soit honorée.
Bibliographie Pierre Rabhi :
La Sobriété Heureuse Éditions Actes Sud, 2010
Manifeste pour la Terre et l’Humanisme
Éditions Actes Sud, 2008
Parole de Terre
Éditions Albin Michel, Paris, 1996 (préface de Yehudi Menuhin)
Le Gardien du Feu
Éditions de Candide, Lavilledieu, 1986, réédition Albin Michel, 2003
L’Offrande au Crépuscule
Éditions L’Harmattan, 1989, réédition 2001
Du Sahara aux Cévennes ou la reconquête du songe
Albin Michel, Paris, 1983, réédition 1995.