Peu se souviennent de lui. Et pourtant, Marcel Boussac a été, au début des années 50 le plus puissant chef d’entreprise de France. Mieux, il est celui qui a découvert et investit sur un certain Christian Dior. Retour sur l’épopée d’un entrepreneur à qui rien n’a manqué…hormis la souplesse d’esprit.
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En 1953, selon l’Express, Marcel Boussac fait partie « des 100 Français qui portent l’avenir« . Une évidence à l’époque. Il faut dire, avec un chiffre d’affaires de 54 milliards de Francs, 52 usines et 21 000 salariés, Marcel Boussac est incontournable dans le paysage entrepreneurial Français. Sans oublier qu’il est également le plus grand éleveur de chevaux de course au monde. Autant dire indéboulonnable. Mais en principe seulement, car à la fin de sa vie Marcel Boussac ne possède plus rien. Sa fortune réduite à des miettes, il sera même obligé de vendre ses affaires.
Tout avait pourtant bien démarré pour ce fils de confectionneur. Peu doué pour les études, le jeune Marcel Boussac entre très jeune dans l’entreprise de son père. Et très vite, le fiston fait preuve d’une vision commerciale exceptionnelle. Il décide dès lors, à 18 ans à peine, de monter son entreprise de tissu fantaisie. Le succès est immédiat. La 1ère guerre mondiale n’y changera rien. Au contraire, Marcel Boussac s’impose comme un des fournisseurs majeurs de l’armée Française, avec son costume bleu horizon qu’il invente.
Innovant et organisé…
Avec toujours un coup d’avance, Marcel Boussac imagine déjà la reconversion et fonde le comptoir de l’industrie cotonnière (CIC) en 1917. Il rachète les stocks de toile d’avion pour confectionner des blouses, chemises et des pyjamas, invention de son cru.
Savoir-faire, innovation et anticipation du marché : la triple formule gagnante qui le rendra multimillionnaire en un éclair. Ce sera désormais sa marque de fabrique.
Car Marcel Boussac ne lâche rien sur la qualité. Extrêmement méticuleux, il inspecte par surprise toutes ses usines de production. Avec un objectif simple : obtenir le meilleur produit au prix le plus bas. Rien d’étonnant, pour un entrepreneur. Mais Marcel Boussac investira sans cesse dans ses usines. Mieux, fin connaisseur de la publicité, il dépensera des millions de francs pour imposer son label de qualité : la « garantie Boussac ». Deux mots que les grands-parents et parents d’entrepreneurs ont forcément connus. A l’époque, Marcel Boussac est au summum de sa puissance.
… Mais qui n’a pas su évoluer
Problème, comme trop souvent, le succès insolent du chef d’entreprise lui fait perdre toute humilité. Napoléon Bonaparte ne disait-il pas : « Il faut toujours se réserver le droit de rire le lendemain de ses idées de la veille ». Résultat, Marcel Boussac se croit infaillible. Or, l’environnement d’un entrepreneur change constamment. Qui plus est, pendant les 30 glorieuses, où les frontières s’ouvrent avec le marché commun et, surtout, la mode qui s’accélère. Sans compter, la décolonisation qui renchérit la matière première.
Autant de changements que Marcel Boussac ne comprend guère. Pire, il ne l’envisage même pas. Il garde ses méthodes qui lui ont valu son ancienne gloire : intégration verticale, stocks importants et primat de la production sur la vente. Or, il faut commencer à investir à l’étranger, fabriquer avec du textile synthétique. Marcel Boussac refuse et fait comme tous les dirigeants qui ne supportent pas d’être contredit : il fait le vide autour de lui. Résultat, ses profits fondent comme neige au soleil. Et sa fortune qui lui permet de réinjecter de l’argent n’y changera rien.
En 1978, il dépose le bilan et vend ce qu’il reste à vendre. Il mourra deux ans plus tard, avec la certitude qu’il n’avait pas tort.