Malgré des idées politiques plus que troubles, Eugène Schueller appartient à la catégorie des entrepreneurs de génie qui ont marqué le XX ème siècle. Retour sur les stratégies qui ont permis à ce chef d’entreprise d’imprimer sa marque aux quatre coins du globe.
« Faire, défaire, pour mieux faire ». Trois mots qui ont rythmé la vie d’Eugène Schueller. Car, le fondateur de l’Oréal est l’archétype de l’entrepreneur Schumpétérien, chantre de la « destruction créatrice ». Autant dire que le résultat est au rendez-vous. Aujourd’hui installé dans les plus grandes métropoles, L’Oréal dicte encore les dernières tendances mondiales qui vont structurer le marché, sans cesse grandissant, de la beauté. Mais comme toutes les histoires à succès, celle-ci démarre également quelque part.
Fils de boulangers pâtissiers à Paris, le jeune Eugène Schueller montre très rapidement beaucoup de facilités. Et comme de nombreuses familles, ses parents se saignent pour l’envoyer dans les écoles huppées de la capitale. Sorti major de sa promotion à l’institut de Chimie de Paris en 1904, il doit néanmoins travailler très tôt pour financer ses études. La plupart du temps assistant préparateur, le futur patron s’ennuie ferme. Le déclic vient d’un appel d’un coiffeur qui demande une nouvelle formule de teinture de cheveux.
Il lance le shampoing Dop
Et après des heures de recherche dans sa cuisine transformée en laboratoire, il met au point une teinture capillaire de synthèse qu’il appellera…. L’Oréal. Eugène Schueller décide alors de fonder son entreprise en 1909 avec comme nom : la Société de teintures inoffensives pour cheveux. À croire que les autres produits posaient de petits problèmes à ces chères dames. Quoi qu’il en soit, le succès est immédiat.
Mais Eugène Schueller ne s’en contente pas. Entrepreneur dans l’âme, il met au point une nouvelle teinture Imedia qui surfe sur la mode des cheveux courts. Mode elle-même initiée par une autre entrepreneure, Coco Chanel. Et ça continue ! Il lance en 1934 le shampoing Dop, premier shampoing de grande consommation qui existe toujours aujourd’hui. Et, avec les premières semaines de congé payé, Eugène Shueller a l’idée de génie de mettre au point la première huile bronzante, Ambre solaire.
Un génie de la communication mais…
Inventions qu’il couple à une approche marketing très avancée pour son époque. La preuve avec le lancement du « savon au lait » fabriqué par Monsavon, usine qui périclitait jusqu’à sa reprise par Eugène Schueller en 1928. Et comme si cela ne suffisait pas, Eugène Schueller démontre sa science en matière de communication. Il fonde « L’Oréal bulletin » et « votre beauté », bulletins à destination des coiffeurs qui restent les premiers clients de l’Oréal, société anonyme depuis 1932. Il sponsorisera également « Quitte ou double » qui assoit encore plus la popularité de la marque.
L’après-guerre est néanmoins rude pour Eugène Schueller. Soupçonné de collaboration avec l’ennemi, Eugène Schueller est néanmoins relaxé par le témoignage de nombreux anciens résistants et juifs. Il n’empêche, le doute sur son action à cette période laisse une trace indélébile sur son bilan d’homme. Et pourtant dès 1952, l’entrepreneur lance Régécolor, 1ère coloration grand public, dont le succès relance la société.
Peu à peu, il laisse François Dalle prendre la direction des commandes de l’Oréal. Il déclare d’ailleurs à ses collaborateurs sa totale confiance : « Dalle fera le grand l’Oréal ». Encore une fois, le patron n’avait pas tort.
Tancrède Blondé