L’encre de la proposition de loi pénalisant la négation du génocide arménien de 1915 n’a pas encore eu le temps de sécher que l’ambassadeur turc à Paris était déjà prié de rentrer en Turquie. Quant aux autres mesures de rétorsion, les 1000 entreprises françaises en lien avec la Turquie devraient les ressentir très rapidement.
Le gouvernement turc n’a pas du tout apprécié l’adoption de la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Dans la foulée du vote d’hier, la Turquie a annoncé le gel des visites diplomatiques et la suspension des programmes de coopération politique et militaire. Aujourd’hui, le Premier ministre Recep Erdogan en a ajouté une couche en s’en prenant au père de Nicolas Sarkozy et en expliquant à la presse que ce vote démontre clairement « à quel point le racisme, la discrimination et l’islamophobie ont atteint des dimensions dangereuses en France et en Europe ». Ambiance !
Évidemment, les entreprises françaises s’attendent à de prochaines mesures de rétorsion. Déjà qu’en temps normal, ce n’est pas simple pour les entreprises françaises ! Dans le dernier livre blanc publié par la chambre de commerce française en Turquie, Veolia et Alstom se plaignent des procédures administratives « peu transparentes ». On se souvient aussi de la manière dont GDF avait été écarté du projet de gazoduc Nabucco en 2008, suite à des différends entre Paris et Ankara. Néanmoins, les produits industriels qu’exportent les entreprises françaises ne seraient pas sensibles à de potentielles mesures de boycott.
« L’embargo sur la France n’est pas tenable »
Pour rappel, la Turquie est aujourd’hui le 3ème débouché des exportations hors Union Européenne et Suisse, soit 6,3 milliards d’euros. Seuls les Etats-Unis et la Chine achètent davantage « français » ! En revanche, nous commerçons davantage avec les turques qu’avec le Brésil, l’Inde et le… Japon. Hormis les équipements et matériels de transport, marchés souvent attribués par voie d’appels d’offres, les ventes françaises concernent des secteurs peu sensibles à de potentielles mesures de boycott : équipement mécaniques, électroniques, chimiques, et produits pharmaceutiques. Si les sujets politiques sont évités, les PME françaises ne devraient pas trop subir les foudres d’Ankara.
D’autant que les perspectives de boycott inquiètent aussi les entreprises turques. Ümit Boyner, présidente de l’organisation patronale turque, explique dans Le Figaro que « l’embargo sur la France n’est pas tenable » lors d’une mission de lobbying à Paris qui l’a amenée à rencontrer ses homologues du Medef. «La Turquie est une économie orientée vers l’exportation et elle a besoin de diversifier ses clients à l’étranger pour défendre sa production et ses emplois» argumente-t-elle. La France reste tout de même le 4ème client de la Turquie.