Alors que la grève de la SNCM et le port de Marseille s’enlise, les entrepreneurs de Corse continuent de se battre afin de pouvoir commencer la haute saison touristique.
« Ils sont en train de nous tuer ». Après 16 jours de grève de la SNCM qui organise l’essentiel du transport maritime entre la Corse et le continent, les entrepreneurs de l’île de beauté sont absolument ulcérés. « Nous sommes les otages permanents d’une société qui n’est même pas basée en corse », explique Jean-Baptiste Pietri, Président du Synhorcat Corsica, syndicat des hôteliers et restaurateurs de l’Île.
Car, la SNCM n’en est pas à son coup d’essai. Chaque année ou presque, la société de Transport maritime arrête le travail sur le port de Marseille. « C’est vrai que tous les ans on a l’impression que l’épée de Damoclès va nous tomber dessus », explique Pierre Toussaint Gaffory, agriculteur corse basé à Gajone au nord d’Ajaccio. Résultat, les agriculteurs, les restaurateurs, les hôteliers, mais aussi les mécaniciens, sont obligés d’avoir plusieurs zones de stockage de marchandise. La peur de manquer n’est jamais loin chez un patron corse.
« Un coût entre 6000 et 7000 euros par jour »
Les prix sur les produits s’en ressentent. Surtout que le coût du fret n’est pas donné. « Quand on est une entreprise, se fournir coûte entre 15 et 25 % plus cher », indique Jean-Baptiste Pietri. « Mes collègues qui travaillent à Toulon hallucinent », ajoute-t-il. Alors, ce n’est pas pendant la saison que les entrepreneurs vont augmenter les prix. « Les poches de ceux qui ont osé venir ne sont pas extensibles ».
Président de la CGPME Corsica et dirigeant d’Ajaccio Nord Automobile SA, Jean André Miniconi ne dit pas autre chose. « Avec la grève, je ne peux plus m’approvisionner en pièce détachée comme je le voudrais. Maintenant, mes mécaniciens sont à mi-temps ». Au final, l’entrepreneur déclare « perdre entre 6000 et 7000 euros par jour » depuis la mi-juin. Et il n’est pas le seul à être dans ce cas de figure extrême.
« Un acte de piraterie »
Il faut dire, l’essentiel de l’économie de l’Île qui a vu naître Napoléon repose sur la période estivale. « 50% du chiffre d’affaires du tourisme en Corse se réalise sur les deux mois d’été », explique Jean-Baptiste Pietri. Un secteur d’activité qui, encore aujourd’hui, conditionne le niveau de vie global des habitants pendant le reste de l’année. C’est dire si la grève de la SNCM menace les fondements de l’économie corse.
D’autant qu’une dizaine de marins de la CGT de la SNCM ont envahi le « Kallisté », un bateau appartenant à la CNM, son plus gros concurrent. « Un acte de piraterie » qui n’a fait l’objet d’aucune intervention de la police, malgré l’ordre d’évacuation prononcé par le tribunal de commerce de Marseille. « Maintenant, les autres bateaux ne veulent plus venir et on les comprend », explique Jean-André Miniconi.
« On s’enfonce »
Sur l’émission de Jean-Jacques Bourdin, l’entrepreneur et syndicaliste a d’ailleurs directement demandé à Frédéric Alpozzo, représentant CGT des marins SNCM, de cesser le blocage du bateau. Une question à laquelle n’a visiblement pas voulu répondre Alpozzo, même s’il a esquissé une certaine gêne. Plus de 2000 emplois sont en jeu.
En signe de protestation, les entrepreneurs corses ont voulu se réunir vendredi soir à la préfecture de Bastia. Mais les gendarmes sont intervenus manu militari et ont sorti « les chefs d’entreprises à coup de matraque », selon les mots de Jean André Miniconi. La CGPME a depuis déposé plainte et demandé la mutation du préfet incriminé. L’action a été reconduite lundi matin.
Mais rien de nouveau. « On s’enfonce », explique Jean André Minconi. Et pendant ce temps là, la Corse a déjà perdu 230 000 touristes.
Tancrède Blondé