Avec Je ne bouge pas d’ici, publié aux éditions Gallimard, Rumena Bužarovska signe un recueil de nouvelles où les envies de mouvements de ses personnages se heurtent en permanence à une forme de fatalité du réel. Tout bouge, et rien ne bouge en somme. Après le succès de Mon cher mari, Rumena Bužarovska confirme son nouveau statut d’auteure à suivre.
Ce qui frappe chez Rumena Bužarovska, c’est cette capacité à saisir l’essentiel en peu de mots. Cette faculté à poser, en quelques pages, des personnages, un univers, des destins. Dans Je ne bouge pas d’ici, les récits se déploient avec une économie d’effets qui ne sacrifie jamais l’intensité. Chaque phrase est pesée, chaque silence compte. Cette sobriété dans l’écriture laisse toute la place aux détails, aux non-dits et à l’intériorité des personnages, dont les failles et les tensions affleurent.
À travers ces nouvelles, Bužarovska nous plonge dans un quotidien souvent dérangeant, parfois douloureux, mais toujours poignant. Elle excelle à dépeindre des vies ordinaires, mais jamais banales, où l’émotion surgit au détour d’une scène anodine . Les personnages, souvent féminins, luttent avec des désirs inavoués, des rêves contrariés ou des réalités qu’ils n’ont pas choisies. Ces portraits, empreints d’une profonde humanité, révèlent une sensibilité à fleur de peau et une conscience aiguë des rapports de force sociaux et intimes.
C’est aussi une plongée dans un monde balkanique qui, à l’image des personnages, est en tension perpétuelle entre modernité et héritage, entre envie de changement et racines tenaces. Rumena Bužarovska explore cette dualité avec subtilité, offrant un regard précis et nuancé sur une société en quête de sens. Les Balkans deviennent ainsi un personnage à part entière, un décor mouvant où les contradictions se mélangent et se répondent.