Numérique responsable : les bonnes pratiques

Numérique responsable : les bonnes pratiques

Publié le 25 novembre 2024

Les usages numériques ont un très fort impact sur l’environnement. Lors du dernier salon Produrable, des experts du sujet ont expliqué les enjeux et exposé trois axes immédiats d’amélioration pour les entreprises, au cours d’un atelier animé par Yveline Pouillot, chargée de la RSO au sein de Walter France. Lorsque les nouvelles technologies ont commencé à se développer, il était courant de penser que les impacts sur l’environnement pourraient être réduits. Force est de constater que c’est tout l’inverse qui se produit.

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> Des chiffres vertigineux
Quelques chiffres significatifs illustrent parfaitement l’ampleur du problème. Chaque Français possède en moyenne huit équipements numériques. 588 kilos de matières doivent être extraites pour fabriquer un seul PC. Chaque année dans le monde, 400 millions de smartphones et 35 millions de PC sont jetés. La consommation de videos représente plus de 80 % de la bande passante mondiale. En France, seulement 44 % des déchets électriques et électroniques sont collectés alors que ce sont des déchets classés comme dangereux. Et 70 % des équipements en fin de vie ne sont pas recyclés.

> Des entreprises encore trop passives et mal informées
Pour Eric Solomampionona, associé Walter France, les entreprises sont très insuffisamment engagées dans une politique du numérique responsable. Elles sont encore trop nombreuses, par exemple, à ignorer qu’entre l’équipement des utilisateurs, le stockage des données et les réseaux, ce sont les équipements des utilisateurs (PC, téléphones, etc.) qui ont le plus d’impact négatif puisqu’ils représentent 60 à 70 % de l’empreinte carbone du système d’information.
Il faut également savoir que selon le secteur d’activité de l’entreprise, les nouvelles technologies peuvent représenter entre 1 % (pour certaines usines, contrairement aux idées reçues) et 50 % (pour les sociétés de services par exemple) de leur impact global.

> Etablir des business plans environnementaux en complément des business plans financiers
Beaucoup d’entreprises ont créé un poste de Directeur Numérique Responsable et ont défini un plan d’actions. Peu d’entre elles ont vraiment réduit l’empreinte des SI en conséquence.
Par exemple, quand un nouveau projet est envisagé, les dirigeants et les services financiers établissent un business plan uniquement financier. Laurence Jumeaux, vice-présidente de Capgemini Invent, responsable de l’offre mondiale « numérique responsable », explique comment les entreprises peuvent évoluer : « Je tente de convaincre mes clients d’établir, parallèlement, un business plan environnemental, en réfléchissant en quoi telle ou telle solution va augmenter ou réduire leur impact environnemental. »
Certes, mais ce sont des calculs complexes, qui nécessitent des compétences et du temps… ce qui freine les bonnes intentions. Sans parler du changement de paradigme que cela implique en termes de gestion des priorités et de prises de décision.

> Une démarche de réduction de l’impact en quatre étapes
Pour réduire l’impact environnemental de leurs nouvelles technologies, les entreprises peuvent agir à quatre niveaux : l’organisation de l’entreprise – le matériel – les utilisateurs – les serveurs. Elles auront tout intérêt, lorsqu’elles établiront leur plan d’action, à prioriser les actions faciles à mettre en œuvre pour embarquer les équipes dans les démarches et obtenir des premiers résultats.

– L’organisation du travail
L’entreprise devra réfléchir à la digitalisation des processus de travail et au télétravail. Par exemple, comment optimiser la gestion et le flux des données ? Comment limiter le stockage dans les boîtes mails ? Comment optimiser le partage et le stockage des données avec les clients ? Il est recommandé d’indiquer un délai de mise à disposition de ces données, et de planifier leur suppression, au bout de deux ans par exemple.
Il est également très important d’intégrer l’éco-conception dans les critères d’achat du matériel ou des solutions logicielles.

– Le matériel
Rappelons que les PC et les téléphones représentent 60 à 70 % de l’empreinte environnementale des entreprises. Des automatismes aussi simples qu’éteindre son ordinateur lorsqu’il n’est pas utilisé ne devraient plus être un sujet.
Le plus important : s’organiser pour augmenter la durée de vie du matériel. Cela commence lors de l’achat, en prêtant une attention toute particulière à l’indice de réparabilité, sachant qu’actuellement c’est le score de 7 (sur 10) qui est considéré comme le minimum à avoir. Certains fournisseurs de matériel informatique sont plus en avance que d’autres, mais plus chers. Malheureusement, force est de constater que, si les entreprises mettent bien des critères de durabilité dans leurs appels d’offre, au final, elles se décident souvent pour la proposition la moins chère… Acheter du matériel reconditionné doit également être privilégié quand cela est possible.
Ensuite, les entreprises devront mettre en œuvre des moyens de réparation, en anticipant le choix des réparateurs, les équipes internes ou les prestataires externes capables de réparer, etc. Quand on sait que garder son ordinateur cinq ans au lieu de quatre ans permet de baisser l’empreinte environnementale de 25 %, on comprend mieux l’importance vitale (pour la planète) de tout mettre en œuvre pour faire durer le plus possible tous les matériels.
Enfin, quand le matériel arrive en fin de vie, il s’agira d’organiser son recyclage, par le don à des associations, ou à des entreprises spécialisées.

– L’usage et les utilisateurs
Les entreprises doivent inciter les utilisateurs à changer de culture et à adapter leur matériel aux véritables usages qu’ils en font. Par exemple, les portables devront progressivement remplacer les PC fixes, beaucoup plus polluants.
Elles devront également étudier précisément quels sont les véritables besoins des différents utilisateurs. Par exemple, un monteur vidéo devra évidemment disposer d’un matériel performant. En revanche, pour une personne n’utilisant que des logiciels bureautiques de base, un bureau virtuel suffira : tout est dans le cloud, l’équipement physique pourra être minimal donc moins rapidement obsolète, et moins coûteux en terme environnemental.
La mutualisation du matériel doit également être étudiée, entre les équipes internes, mais également avec les sous-traitants, qui pourront, dans certains cas, utiliser leur propre matériel plutôt que de mobiliser un matériel de l’entreprise.
En ce qui concerne les téléphones, il est inutile de disposer de deux téléphones, un téléphone personnel, et un téléphone professionnel, alors que, par exemple, l’installation de deux cartes SIM règle le problème. L’économie d’un téléphone, multipliée par le nombre de salariés concernés, permettra de réduire sensiblement l’impact global de l’entreprise. Il est également possible de proposer aux salariés de n’avoir qu’un seul téléphone, mais offert par l’entreprise.
Quand les exigences de sécurité le permettent, les salariés peuvent aussi avoir un seul ordinateur, professionnel et personnel.Enfin, d’autres réflexes doivent être instaurés : par exemple, l’utilisation de la Wifi sera toujours plus vertueuse que la connexion via la 4 ou la 5G.

– Les serveurs
En comparaison à son propre serveur, le cloud permettra de réduire l’empreinte environnementale de l’entreprise. En effet, les hébergeurs savent comment faire en sorte que les bâtiments soient le moins polluants possible. En revanche, attention à l’endroit où sont implantés les serveurs ; en Allemagne, le mix énergétique n’est pas bon, celui de la France est bien meilleur ! Et les data centers doivent être le plus près possible des utilisateurs.
Pour sélectionner son hébergeur, une entreprise devra se renseigner sur le seul critère intéressant, le PUE (Power Usage Effectiveness), un ratio qui évalue le rendement d’un datacenter entre l’énergie totale qu’il utilise par rapport aux équipements informatiques dont il est pourvu. C’est un indicateur d’efficacité énergétique. La moyenne se situe à 1,8 alors qu’un provider qui gère bien ses datacenters se situera entre 1 et 1,2. Les équipes informatiques pourront s’appuyer sur le « GreenOps » (Ops pour Operations), qui propose aux entreprises une méthodologie et des indicateurs pour réduire leur empreinte carbone due à leur consommation en cloud computing.

> Les PME doivent établir leur plan d’actions
Compte tenu de la croissance exponentielle de l’utilisation des données, toutes les entreprises sont concernées. Les moyens mis en œuvre par les grandes entreprises sont parfois considérables, mais les PME peuvent, à leur mesure, initier un plan d’actions. Pour s’orienter, le guide le plus complet est celui de l’AFNOR qui propose plus de 200 actions via des fiches pratiques.
Les économies réalisées peuvent être une source de motivations : si l’on ne prend en compte que le critère des matériels, allonger leur durée de vie de trois à six ans évite d’importants coûts d’achat.
Attention en revanche à l’effet rebond : les efforts de réduction d’impact environnemental des nouvelles technologies ne doivent pas être annihilés par l’augmentation de l’utilisation…
Pour Yveline Pouillot : « La mise en place d’une stratégie du numérique responsable est très liée à la maturité personnelle du ou des dirigeants. Il faut s’appuyer sur des personnes convaincues pour diffuser les bonnes pratiques et entraîner les équipes. »

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