Non, il n’y a pas que Jane Austen pour conter les tourments d’une femme anglaise à l’époque victorienne. Avec son dernier roman, historique pour l’occasion, Zadie Smith redonne un souffle nouveau à un genre qui, convenons-en, nous semblait bien daté. L’imposture est d’une certaine façon l’envers du décors de cette bonne société anglaise qui a marqué tant d’imaginaire.
L’histoire en quelques mots : Eliza Touchet est loin d’être une femme ordinaire dans l’Angleterre victorienne de la fin du XIXe siècle. Non seulement, après avoir perdu son mari, elle vit en concubinage à peine masqué avec son cousin par alliance — dont elle se retrouve contrainte de corriger les innombrables romans-fleuves écrits dans la veine de Charles Dickens, le talent en moins —, mais elle est aussi farouchement indépendante et politisée. Abolitionniste de la première heure, Eliza s’enthousiasme pour un intrigant procès qui déchaîne les passions à Londres : Sir Roger, grand héritier de l’empire Tichborne, disparu en mer des années auparavant, a brusquement refait surface et réclame son dû. À ses côtés, un ancien esclave de la colonie jamaïcaine ayant appartenu à la famille Tichborne témoigne en sa faveur.
A partir de cette matière historique véritable, Zadie Smith livre un roman plein de maitrise, reprenant ici les codes du genre victorien, ajoutant là des éléments de modernité. C’est un véritable jeu d’équilibre mené avec brio, un nouveau tableau de ce XIXe siècle anglais que l’on pensant connaître, entre fictions et vérités, réalités et tromperies.
Etudes de mœurs, chroniques judiciaires, amours contrariés… L’imposture de Zadie Smith est tout cela à la fois, un roman monde qui donne à voir, au delà de mythes victoriens, des lignes de fractures béantes que le temps n’a qu’en partie comblé.