Au sein du triste panthéon des dignitaires nazis, Ernst Röhm fait figure d’illustre inconnu.  Soutien de la première heure de Hitler et du NSDAP,  il participe en novembre 1023 à la tentative de prise du pouvoir à Munich – le fameux « putsch de la Brasserie » Mais si Röhm est le premier soutien du régime, il en est aussi la première victime interne. L’homme dérange : son homosexualité notoire gêne dans un parti profondément homophobe, et son ambition crée bien vite des rivalités dans le cercle rapproché des intimes du Führer. Le chef des SA est donc une cible de choix en 1934 lors de la terrible « nuit des Longs Couteaux ».

S’attaquer à la biographie d’un criminel nazi est toujours un exercice périlleux. L’exercice pose, presque inévitablement, une certaine proximité avec le personnage. Enfance, drame personnel, doutes, comme autant d’éléments qui viennent nuancer un portrait que l’on pensait monolithique. Et s’il ne s’agit en aucun cas de réhabiliter, le biographe essaie forcément de comprendre sans pour autant juger.

Röhm, puisqu’il disparait avant les plus grandes atrocités commises par le régime, parce qu’il est lui-même victime du régime qu’il servait, pose inévitablement plus de question qu’un Himmler ou un Goebbels. Et l’on serait tenté de voir en lui une figure alternative, un monarchiste réactionnaire dévoyé. Eleanor Hancock, en présentant l’homme pour ce qu’il était vraiment, un savoir le chef d’une force paramilitaire d’extrême droite, soutien d’un régime totalitaire et antisémite, évite cette tentation de l’histoire fiction tout en mettant en lumière les singularités réelle du personnage.