France, 1848 Victor Schœlcher abolit l’esclavage. On pourrait en rester là. Un lieu, un homme et une date. Un avant et un après. C’est pratique, efficace mais forcément réducteur. C’est le problème de ces dates gravées dans le marbre, elles ont tendance à simplifier l’Histoire, créer des cloisons imaginaires dans des processus bien plus longs, complexes et troubles. Dans son dernier essai, Après l’abolition, publié aux éditions Autrement, Kris Manjapra prend donc le temps de replacer cette date (et d’autres d’ailleurs) dans son contexte.
La thèse de Kris Manjapra est finalement assez simple, l’abolition de l’esclavage n’a pas été un processus linéaire, uniquement défendu par des humanistes désintéressés, avec en ligne de mire une vision nouvelle de l’humanité. Une forme de contrepied à l’historiographie habituelle qui, en se préoccupant seulement de la question des abolitions et non de leur mise en œuvre, ne raconterait qu’une partie de l’histoire. C’est donc une analyse nouvelle du processus abolitioniste, qui met en avant les politiques établies en Europe et aux Amériques. Abolitionisme, oui, mais un abolitionisme qui dédommage les planteurs plutôt que les affranchis ou, comme en Haïti, qui imposent le fardeau de la dette pour prix de la liberté.
Nul besoin de préciser que cette Histoire de l’esclavage trouve des échos très forts dans notre modernité, aux Etats-Unis particulièrement. Il suffit de penser au droits civiques ou plus récemment au mouvement black lives matter pour mesurer pour mesurer la profondeur des plaies.