En 2020, les éoliennes ont produit 39 700 GWh, soit 8,9% de la production nationale d’électricité. La Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) prévoit que la production soit équivalente à 20% de la production nationale à horizon 2028. L’ensemble de ces capacités éolienne est terrestre, avec 993 MW raccordés sur l’année 2020, le total installé au 31 décembre 2020 s’établit à 17,6 GW.
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Quels sont les objectifs de production d’origine éolienne que s’est fixé la France ? qu’en est-il à l’échelle de l’Europe ?
La France va devoir accélérer la cadence si elle veut respecter les objectifs du projet de PPE qui fixe les priorités d’actions des pouvoirs publics dans le domaine de la transition énergétique. Pour l’éolien terrestre, la puissance installée devra atteindre 24,6 GW à fin 2023. A l’horizon 2028, ce seront 33,2 GW pour une option basse, et 34,7 GW pour une option haute, qui devront être implantés en France métropolitaine. La France vise, sur la prochaine décennie, un rythme d’installation de capacité éolien terrestre à 2 000 MW par an afin atteindre l’objectif de 34 GW de capacité cumulée raccordée en 2028.
Au niveau européen, il est envisagé selon les scénarios de WindEurope l’installation de 105GW supplémentaire sur les cinq prochaines années, cependant en raison des restrictions liées au Covid, des contraintes administratives et sociales ce chiffre pourrait descendre à 79GW sur la même période.
Quelles sont les perspectives de développement pour l’éolien terrestre en France et en Europe ? Quelles sont les difficultés rencontrées pour l’implantation de nouvelles installations ?
Indépendamment de la nature intermittente de l’énergie éolienne, la forte croissance constatée de la mise en service de nouvelles capacités depuis plusieurs années tend à ralentir en Europe. Les installations de production d’électricité sont construites sur des terrains (éolien terrestre) ou des zones maritimes (éolien offshore) qu’elles neutralisent sans toutefois en interdire l’accès aux autres usagers. Elles ont par conséquent un impact visuel sur l’environnement par leurs effets sur les paysages et des effets visuels et sonores sur les proches riverains des éoliennes. Or, les zones à haut potentiel pour ces installations sont souvent situées dans les régions ou pays à forte densité de population, principalement près des côtes, ou sont situées de grandes agglomérations.
Ces nuisances constituent un frein au développement de parcs éoliens terrestres, et ce constat se confirme en Europe où plusieurs pays tels que les Pays-Bas, l’Allemagne ou l’Espagne, initialement pionniers en développement de parcs éoliens terrestres, rencontrent des difficultés pour implanter de nouvelles installations. Ils sont donc contraints de déconstruire les plus anciens parcs et de ré-aménager (repowering) avec de nouvelles infrastructures et des aérogénérateurs plus puissants et plus performants.
Malgré ces difficultés il est bon de rappeler que la France et l’Europe se sont fixés d’ici 2030 des objectifs ambitieux de production d’énergie renouvelables (32% d’énergies renouvelables dans son bouquet énergétique total), notamment d’origine éolienne. Les efforts conjoints sur le repowering des installations existantes et le développement de l’éolien offshore seront clés pour rentrer dans les objectifs de la PPE.
La France est-elle saturée par les parcs éoliens ? Les Français sont-ils favorables à l’éolien ? Quid de nos voisins européens ?
La France marque le pas sur le développement de l’énergie d’origine éolienne, avec un territoire saturé par endroit de parcs éoliens. En effet, près de la moitié de la puissance installée se situe dans les régions Hauts-de-France et Grand Est, et c’est quasiment le tiers si on ajoute la région Occitanie. Cette limite géographique est couplée à un ressenti croissant de la population vis-à-vis des impacts environnementaux et sociétaux causés par l’éolien terrestre (projets décriés, image négative de la part des citoyens).
L’acceptabilité des projets éoliens atteint parfois ses limites, alors que société civile, associations, habitants et parfois collectivités contestent l’étude et l’installation de tels projets. Près des deux tiers des projets d’implantation d’éoliennes en France sont aujourd’hui contestés devant la justice administrative, particulièrement dans le nord de la France. France Énergie Éolienne (FEE) estime que 65% des autorisations accordées sont contestées.
Au niveau européen, si l’on prend le cas emblématique de l’Allemagne, plus de 660 initiatives citoyennes actives se sont opposées depuis 15 ans aux projets d’énergie éolienne. La plupart des projets sont désormais contestés devant les tribunaux de façon très professionnelle et rares sont les projets qui ne se trouvent pas confrontés à des recours juridiques. En 2021, entre la signature d’un contrat d’occupation des sols et la mise en service de l’installation, il faut compter 60 mois, contre 40 mois antérieurement. Même constat au Royaume-Uni ou des contraintes locales portées sur les autorisations freinent les investissements de développement de nouvelles fermes éoliennes. En conséquence de ces « crises de l’éolien terrestre », les gouvernements de ces pays ont replié leurs efforts de développement off-shore en réhaussant les objectifs d’installation pour 2030 (25 GW pour l’Allemagne et 40GW pour le Royaume-Uni).
L’éolien offshore est-il une opportunité face aux contraintes d’acceptabilité et de disponibilité ?
Face aux contraintes d’acceptabilité et de disponibilité des espaces exploitables sur terre, la technologie de l’éolien offshore apparait comme une opportunité : placées au large, les éoliennes n’entrainent pas de nuisances sonores ou visuelles et selon les promoteurs avec un impact limité sur la biodiversité. Emmanuel Macron annonce la hausse du développement de l’éolien offshore à 1 GW/an, avec l’objectif d’atteindre une capacité de 5,2 à 6,2 GW d’ici 2028. L’éolien offshore permet de valoriser les zones maritimes plus profondes dans les pays où l’installation d’éolien terrestre est impossible, ou déjà saturé. L’éolien offshore tire parti de l’énergie cinétique du vent au large des côtes (plus intense et régulier, permettant une production plus continue), où la profondeur des fonds marins exclut les fondations fixes (possibles jusqu’à 50m maximum). Les fonds marins vont rapidement au-delà de 50m, ce qui implique une ressource mondiale immense, et une des rares technologies qui peut être utilisée mondialement. Les éoliennes sont installées sur des fondations flottantes, ancrées par des câbles au fond marin (jusqu’à 350 m de long) selon une technologie empruntée à l’industrie pétrolière. La turbine et flotteurs se montent à terre et sont transportés sur site par remorqueur, alors que l’éolien posé requiert des navires spécialisés pour fixer l’éolienne sur la fondation. On retrouve aujourd’hui différentes technologies d’éoliennes offshore : WindFloat, Spar, Free Floating. 25%, étant l’objectif de production d’électricité éolienne offshore que s’est fixée l’Europe d’ici 2050.
Selon les estimations de WindEurope, le potentiel d’installation de sites éoliens flottants dans la Mer du Nord, la Méditerranée et l’océan Atlantique atteindrait 330 MW d’installés d’ici 2022 et jusqu’à 7 GW en 2030. D’ici 2050 on parle de près de 150 GW d’éoliennes flottantes aux larges des côtes européennes pour atteindre les objectifs climatiques de l’Union. Cela signifierait qu’à cette date, un tiers de toutes les turbines offshores pourraient être flottantes. Le parc éolien offshore français posé pourrait atteindre 7 GW en 2030, si le rythme actuel est maintenu. Pour mener ce projet à bien, la France doit déployer 6 projets de 500 MW chacun avant 2025 (en tenant compte du temps de développement équivalent à 6 ans), ce qui lui permettrait d’avoir le 3ème plus grand parc éolien d’Europe, derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne en 2030. Cependant et malgré l’objectif d’atteindre 40% d’électricité provenant des ENR avec une part importante d’éolien offshore d’ici 2030, la France n’en est qu’à 4% d’énergie éolienne contre 40% au Danemark, 20% en Espagne et 13% au Royaume-Uni. Il est important de noter que la puissance éolienne offshore est concentrée en Europe (Royaume-Uni, Allemagne, Danemark et Belgique), avec une puissance cumulée de 22GW, ce qui équivaut à presque 95% de la puissance mondiale, et que les 5% restant proviennent de Chine. Si l’Europe a cette capacité éolienne offshore, c’est grâce au soutien politique de l’Union Européenne et au fait que les politiques veulent quadrupler leur capacité éolienne en mer d’ici 10 ans.
Comment le repowering peut-il être un levier d’accroissement de la capacité installée ?
Alors que les premiers parcs éoliens installés en Europe atteignent déjà pour certains d’entre eux la fin de leur durée d’exploitation (soit au terme de leur contrat d’obligation d’achat, de 15 à 20 ans), la question du repowering apparaît comme un levier pertinent pour augmenter les capacités installées, tout en tirant parti des investissements initialement consentis pour la construction des parcs éoliens historiques. Raccordements, réseaux, voies d’accès etc., partie non-négligeable du coût total d’un projet éolien, peuvent en effet en partie être réutilisés. Les problématiques d’acceptabilité locale et sociale sont à priori moindres.
Toutefois, la totalité des sites ne pourront tirer parti de ce type d’opération. En effet, des servitudes de télécommunications, aéronautiques, écologiques (Natura 2000) ou militaires ont pu, entretemps, restreindre les conditions d’implantation.
Le repowering est un des outils qui devrait permettre à la filière éolienne d’atteindre les objectifs figurant dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (2018), qui prévoit que le développement de l’éolien se fera en partie par des rénovations de parcs existants arrivant en fin de vie, afin d’augmenter la production d’énergie tout en conservant un nombre de mâts identique ou inférieur.
En France, l’ADEME anticipe la nécessité de renouveler environ 2GW entre 2020 et 2025 (environ 1500 mâts). A nombre de mâts équivalent, la taille et puissance des turbines évoluant, de premiers chantiers conduits en Europe, notamment en Allemagne et en France, permettent d’anticiper une augmentation d’environ 70% à 90% de la capacité installée sur les sites faisant l’objet de ces chantiers. En réponse aux acteurs de la filière, le ministère de la Transition écologique et solidaire a précisé les conditions dans lesquelles un projet de repowering pouvait avoir lieu ou bien s’il fallait reconstituer un nouveau dossier, et obtenir l’ensemble des autorisations nécessaires comme s’il s’agissait d’un nouveau parc : 5 configurations portant sur le dimensionnement et le nombre des éoliennes ont été établies (dimensions des mâts, pales etc.).
Quelles sont les obligations liées au démantèlement des installations éoliennes ?
En ce qui concerne les fondations en béton, coulées dans le sol au pied des mâts, leur excavation n’est pas obligatoire en France, mais en pratique systématique en cas de réimplantation de nouvelles éoliennes sur le même site. Cette opération est obligatoire dans plusieurs autres pays européens. L’ensemble du système électrique du parc (intra-parc) doit être renouvelé. Ce qui n’est pas le cas pour l’autre partie du réseau, extra-parc, depuis le poste de livraison jusqu’au réseau public de distribution ou de transport d’électricité. Par ailleurs, certains composants « hors bâti » demeurent plus complexes à recycler ou revaloriser. Les pales sont majoritairement en matériaux composites, fibres, résines. En l’absence de marché aval et de réelle filière recyclage ou de valorisation en l’état actuel, les pales sont soit valorisées énergétiquement, ou bien enfouies en décharge (ce qui n’est en revanche pas le cas en Europe). Dans le premier cas, elles sont déchiquetées et broyées avant d’être introduites dans un four de cimenterie. Le démantèlement des aérogénérateurs (turbines, etc.) constitue lui aussi un réel défi en tant que tel compte-tenu de l’hétérogénéité des technologies et matériaux (notamment métaux) employés sur le parc existant.
Aujourd’hui, seule une petite partie de ces matériaux entre réellement dans la filière de revalorisation, compte-tenu de l’état actuel de la capacité à retraiter ces matériaux. Compte-tenu des volumes d’éoliennes qui seront mises hors service dans les années à venir, que ce soit en France, en Europe ou dans le Monde, il apparaît urgent que la filière se mobilise, pour développer la capacité à retraiter l’ensemble des déchets générés par le démantèlement des éoliennes, qu’il s’agisse de capacité à faire brute, de répartition de ces capacités sur le territoire, ou bien de maîtrise des technologies permettant de retraiter les matériaux composites et les turbines. D’autres filières industrielles (aéronautique, nautisme par exemple) anticipent déjà la fin de vie d’équipements similaires depuis plusieurs années.
Derrière la question de la capacité à pouvoir réaliser ces opérations, la question du financement du démantèlement est prépondérante, et fait l’objet de vifs débats. A titre de comparaison, la loi française oblige par arrêté les exploitants de parcs éoliens à provisionner 65 000€ pour le démantèlement d’une éolienne, alors que différentes études issues de la société civile estiment le coût réel du démantèlement de cette même éolienne à environ 400 000€ TTC (pour une éolienne de 2MW).
Auteurs : Thomas Brochard – Consultant Energie & Utilities chez Magellan Consulting – Groupe Magellan Partners ; Guilain Silve – Manager Energie & Utilities chez Magellan Consulting – Groupe Magellan Partners