C’est une galaxie de personnages aussi sinistres que pittoresques. Sinistres parce que, malgré leurs dénégations pathétiques, ils portent tous une responsabilité immense dans ce qui fut un de plus grands crimes de l’histoire. Pittoresques parce que, de l’amateur d’art chargé à la morphine, en passant par le représentant de mousseux devenu ministre des Affaires étrangères, les dirigeants du III Reich sont des personnages de roman à part entière. Dans cette nébuleuse, certains noms ressortent presque naturellement, Goering, Himmler… d’autres sont passés à la trappe. C’est la cas de Kaltenbrunner, remercions donc sa biographe, Marie-Bénédicte Vincent, de mettre un coup de projecteur sur ce destin.
C’est vrai qu’il fait un peu falot ce Kaltenbrunner dans le portrait de famille. Le nom évoque toujours quelque chose, mais dans le fond on ne sait pas trop quoi. Alors commençons par le début, ou plutôt par la fin. En janvier 1943, six mois après la mort de Reinhard Heydrich, Ernst Kaltenbrunner, un Autrichien quasi inconnu en Allemagne, est désigné pour prendre la tête de l’Office principal de sûreté du Reich (RSHA) à Berlin. Ce dignitaire devient ainsi le chef du renseignement de l’État nazi et le numéro 2 de la SS après Himmler.
Ce qui frappe c’est ce décalage assez fou entre les responsabilités, aussi tragiques soient-elles, qu’a exercé Kaltenbrunner, et son relatif anonymat. C’est cette incohérence que cherche à expliquer Marie-Bénédicte Vincent dans cette biographie publiée chez Perrin. Parmi les pistes : Kaltenbrunner est autrichien, donc en marge du mouvement, il arrive finalement assez tard aux responsabilités, les procès de Nuremberg se concentrent sur d’autres figures, plus médiatiques…
Il n’en demeure pas moins que le parcours de Kaltenbrunner est symptomatique de ce nazisme de l’ombre, de ces bourreaux fades, sans relief. C’est aussi le symbole du nazisme autrichien, souvent laissé de côté dans l’étude des années 20 et 30.