Les entreprises doivent faire face à un contexte, pour le moins, inédit et très incertain : un taux d’inflation en France de 6,5%, le plus élevé depuis le milieu des années 80, un taux de chômage au plus bas, notamment pour les cadres, et une croissance qui devrait ralentir à fin 2022 et courant 2023. En somme, des facteurs contradictoires rendant l’anticipation compliquée. Selon l’enquête Inflation & Reward Actions 2022 réalisée par WTW, les défis d’inflation, d’attraction et de rétention encouragent les entreprises à repenser leurs politiques de rémunération pour attirer les talents et rester compétitives sur le marché. En complément, les résultats du rapport Salary Budget Planning – édition juillet 2022 montrent qu’à l’échelle mondiale, 96% des entreprises ont augmenté les salaires et les budgets d’augmentation atteignent cette année des taux jamais vus depuis près de 20 ans.
Dans un contexte où l’inflation annuelle en Europe s’établissait à 8,1% à fin mai, plus de la moitié des organisations en France a augmenté le nombre de ses recrutements depuis le début de l’année. En effet, elles font face actuellement à des difficultés pour attirer et retenir, c’est tout particulièrement le cas concernant les talents du digital (79%), les cadres (57%) et les commerciaux (55%).
Ces problématiques poussent les entreprises à repenser leurs politiques de rémunération et à mettre en place d’autres mesures dans un contexte d’observation accrue de la part de différentes parties prenantes. Les 3 actions les plus courantes que les organisations ont envisagé ou envisagent d’instaurer sont de mettre davantage l’accent sur les éléments non financiers de la rémunération (34%), de revoir à la hausse le budget des augmentations salariales annuelles (35%), ainsi que de prévoir des budgets supplémentaires pour des ajustements ponctuels (30%). Les ajustements les plus fréquents concernent les salariés avec un fort risque de rétention (68%), ceux qui sont dotés de compétences rares/critiques (68%) et les plus performants (64%). 59% des répondants envisagent de se focaliser sur les personnes les moins bien rémunérées. Les entreprises qui effectuent de tels ajustements sont plus susceptibles de le faire deux fois par an ou au besoin.
« Dans un contexte aussi particulier, les entreprises et les professionnels de la rémunération peuvent entreprendre des actions très concrètes afin d’améliorer l’attractivité et la rétention des talents tout en faisant face aux tensions à la fois économiques et sur le marché du travail. Nous leur conseillons ainsi d’identifier les segments cibles clés où une action est requise, comme les talents du digital par exemple. Outre l’examen du budget d’augmentation attribué en 2022, il est également important qu’elles améliorent les connaissances et compétences des managers sur les sujets liés à la rémunération et qu’elles mettent en place une stratégie d’écoute des préférences des salariés en rémunération globale » recommande Khalil Ait-Mouloud, Directeur de l’Activité Enquêtes de rémunération chez WTW.
Des budgets d’augmentations salariales 2023 plus élevées que jamais
Les inquiétudes face à un marché du travail tendu (57%), les préoccupations liées à la gestion des coûts, telles que l’inflation ou la hausse du coût des fournitures (57 %), ainsi que les attentes et préoccupations des salariés (47%) sont les principales raisons qui ont incité les entreprises à mettre en place des budgets d’augmentation réels plus élevés pour 2022 par rapport à ceux de 2021 et par rapport aux prévisions à fin 2021.
En effet, l’augmentation réelle moyenne des salaires en France a atteint 3,1% en 2022, contre une augmentation réelle de 2,3% en 2021 et un budget prévisionnel de 2,5% à fin 2021. Ce constat est comparable dans les 15 plus grandes économies mondiales. En effet, les entreprises ont poussé leurs prévisions initiales à des budgets plus élevés que ceux observés depuis près de 20 ans avec 34% des entreprises interrogées ayant indiqué que leurs augmentations salariales étaient plus élevées qu’elles ne l’avaient prévu quelques mois auparavant.
Les premières prévisions pour 2023 indiquent que les entreprises françaises prévoient une augmentation moyenne de 3,3%, soit 1,0 point de pourcentage de plus que l’augmentation réelle de 2,3,0% de 2021 et 0,2 point de pourcentage de plus que l’augmentation moyenne de 3,1% accordée en 2022. Au Royaume-Uni (4,0%), en Allemagne (3,8%) et en Espagne (3,6%), les augmentations salariales prévisionnelles sont en ligne ou supérieures pour 2023 par rapport aux augmentations réelles de 2022. Les États-Unis prévoient une augmentation moyenne de 4,1% en 2023, relativement alignée sur l’augmentation réelle moyenne de 4,0% en 2022, la plus élevée depuis 2008, et supérieure aux 3,1% en 2021.
Cette réalité peut relativement varier selon le secteur d’activité principal de chaque entreprise. En effet, les secteurs les plus dynamiques en termes d’augmentations salariales prévisionnelles pour 2023 sont le secteur de la finance (3,7%), des fintech et des nouvelles technologies (3,6%), ainsi que celui des médias (3,5%). D’autres secteurs d’activités adoptent une approche plus conservatrice tels que le secteur de l’agroalimentaire (2,5%), des loisirs et de l’hôtellerie (2,7%) et de la banque (2,8%).
« Les indicateurs mettent en lumière que les entreprises continuent de revenir à un processus de révision salariale plus normal cette année par rapport aux gels de 2020. Aujourd’hui, elles décident de comment concentrer leurs dépenses de rémunération pour obtenir le plus grand impact et accompagner au mieux leurs salariés dans la période actuelle d’incertitude économique. Cela comprend des actions monétaires et non monétaires pour attirer et retenir les talents, en particulier pour les talents critiques ou très performants. La hiérarchisation et la segmentation des augmentations sont essentielles pour un retour sur investissement approprié. » conclut Khalil Ait-Mouloud, Directeur de l’Activité Enquête de rémunération chez WTW.