Petit livre, grand roman. C’est un peu l’impression que l’on a quand on referme une nouvelle fois ce chef d’œuvre de Steinbeck. Le texte a beau renvoyer à une Amérique oubliée, le contexte, les personnages, la langue à un temps révolu, la magie tragique de ce petit livre opère toujours. Alors, quand Gallimard propose une nouvelle traduction de l’œuvre, on serait bien sot de ne pas s’y replonger.
« En plein cœur de la Grande Dépression, George et Lennie, deux ouvriers agricoles, parcourent à pied la Californie en quête de travaux journaliers dans des fermes. Malgré la rudesse de leur quotidien, ils partagent le même rêve : s’offrir leur propre lopin de terre avec des animaux. Plus que tout, ils veulent croire qu’un jour ils récolteront les fruits de leur labeur. » Voilà pour rappel l’intrigue que beaucoup d’entre nous ont découvert au cinéma avec Gary Sinise dans le rôle de George et John Malkovich dans le rôle de Lennie. A l’écran comme sur papier, le jeu des contraires est frappant, une forme de Laurel et Hardie tragique.
Tout dans ce livre est jeu de miroir et d’excès. La force de Lennie répond à sa naïveté, l’intelligence de George au désespoir de sa situation. Difficile de ne pas être ému par ces destins brisés dans une Amérique qui ne pardonne rien.
Remercions donc Agnès Desarthe, la nouvelle traductrice, de nous inciter à porter un regard neuf sur une œuvre que, non sans prétention, on pensait connaître. Sans révolutionner le texte ni encore moins toucher à sa structure (encore heureux), cette nouvelle approche, où le langage est restitué avec force, rappelle la modernité et la résistance au temps du roman de Steinbeck.
Si rien ne peut remplacer la version originale d’une œuvre, si la traduction n’est toujours qu’un exercice impossible, soyons heureux de disposer de si belles portes d’entrée.