[Tribune de Pacôme Lesage – President Sage France & Europe du Sud]
Si le numérique est porteur d’espoirs, que ce soit pour une meilleure qualité de vie, la mise à disposition des connaissances ou pour favoriser l’inclusion sociale, tout ceci n’a de sens que si on l’envisage de manière globale.
Vous aimerez aussi
Le numérique est aujourd’hui synonyme de progrès, cependant, plus de 14 millions de Français n’en maitrisent pas les usages et près d’un Français sur deux[1] dit ne pas être à l’aise avec les différents outils digitaux.
L’exclusion numérique constitue un véritable fléau dans une société toujours plus connectée et les changements qui s’y rattachent. Les confinements successifs et la démocratisation du télétravail ont rendu encore plus urgentes les prises d’initiatives fortes au niveau national. Une accélération déjà consentie par les gouvernements successifs depuis 1998, avec la dématérialisation généralisée des services publics qui laisse sur le carreau 3 Français sur 5,[2] incapables d’effectuer leurs démarches administratives en ligne. Le numérique peut donc être un instrument incroyablement puissant s’il est mis au service d’une société inclusive. Mais pour ce faire, il faut avant toute chose mieux appréhender la fracture numérique, dans son ensemble, pour concevoir une politique publique ambitieuse.
Se doter de moyens régionaux pour une culture numérique inclusive nationale
Tout d’abord, il apparaît important de rappeler qu’il n’existe pas de définition unique pour la fracture numérique, puisque reposant sur une multitude de critères que l’on peut généralement répartir en deux grandes catégories, celle matérielle et celle liée aux usages et compétences. L’inégalité matérielle repose en grande partie sur le manque d’accès aux réseaux internet et aux équipement numériques et celle liée aux usages touchent en principalement les personnes entre 60 et 74 ans, qui ont 5 fois plus de chance d’être touchés par l’illectronisme. Une probabilité qui est jusqu’à 8 fois supérieure pour les plus de 75 ans, 4 fois supérieure pour les non diplômés et 2 fois pour les personnes seules. Une inégalité sur les usages qui est d’ailleurs mise en avant par 41 % des répondants[3] pour justifier un manque d’équipement.
Selon l’Acerp, plus de 20 % des foyers Français n’étaient encore raccordés au très haut débit fin 2021 avec d’importantes disparités selon les régions. Les zones fortement urbanisées comme Paris et le Nord dépassent les 90 % quand d’autres régions rurales comme la Corse, la Dordogne ou la Vienne. Ce sont aujourd’hui 15 % des Français âgés de plus de 12 ans qui ne disposent pas d’une connexion internet, un chiffre qui peut même atteindre 85 % dans les communes de moins de 2 000 habitants2.
Le numérique inclusif passera obligatoirement par une réduction des disparités territoriales pour concevoir des projets à plus grande échelle. Il manque également au niveau national des données précises et actualisées sur l’illectronisme,[4] la dernière étude sur le sujet datant de 20193. D’un point de vue local, la récupération de la donnée sur la fragilité numérique de la population est à la charge d’un seul et même outil, développé par la MedNum et qui pourrait être mis à jour régulièrement pour plus d’efficience. Enfin, la priorité a longtemps été la couverture numérique du territoire, et non la maîtrise de ses usages. Pourtant, de nombreux rapports[5] ont souligné l’urgence d’également fournir à chacun un mode d’emploi du numérique, ce qui n’a jamais été fait jusqu’à présent. De plus, les différents outils résultant de cette politique comme le « pass numérique »[6] et les « hubs territoriaux pour un numériques inclusifs » ont été déployés de manière trop disparate par les régions.
Le salut de l’inclusion par le numérique passera aussi par les entreprises
Les entreprises et services publics, ont tout autant besoin de compétences numériques et la pénurie de ressources se fait largement ressentir avec notamment plus de 50 000 développeurs manquants en France[7]. Et si certains pensent qu’il suffirait de former les jeunes et moins jeunes au développement, il y a pourtant chaque année, 30 000 nouveaux diplômés sur le marché. Ce qui suffirait, en théorie, à combler, à terme, les différents besoins de chaque organisation, mais la réalité est tout autre. Nous ne sommes pas uniquement confrontés à un problème de nombre. L’ascenseur social semble également bloqué, et beaucoup d’entreprises ne prennent plus le temps de former les profils juniors.
Mais tout comme un cinquième des Français, il existe également des entreprises éloignées des réalités du numérique d’aujourd’hui. Elles ont également besoin d’être accompagnées, de pédagogie, sur des sujets comme l’IA, la simplification de l’accès au cloud et aux solutions de gestions fiables et évolutives.
En réalité, le numérique inclusif ne sera possible que si nous mettons en place de véritables politiques publiques au niveau national et surtout dotées de financements renforcés.
De plus, il est aujourd’hui nécessaire de clarifier la gouvernance locale de l’inclusion numérique qui passera par une restructuration de l’écosystème local afin d’appréhender au mieux et plus efficacement le défi de l’exclusion numérique.
Enfin, la priorité a longtemps été la couverture numérique du territoire, et non la maîtrise de ses usages. Pourtant, de nombreux rapports[8] ont souligné l’urgence d’également fournir à chacun un mode d’emploi du numérique, ce qui n’a jamais été fait jusqu’à présent. De plus, les différents outils résultant de cette politique comme le « pass numérique »[9] et les « hubs territoriaux pour un numériques inclusifs » ont été déployés de manière trop disparate par les régions.