12 historiens, 12 entretiens pour lever le voile sur l’un des personnages les plus clivants de notre histoire moderne. Dire Philippe Pétain, prononcer ce nom, c’est d’une manière apporter une tension dans l’atmosphère, jeter un trouble, une forme de malaise. La dernière campagne présidentielle est venue très maladroitement, et de façon surprenante, nous rappeler à cette période sombre, que l’on pensait oubliée. Aussi, quand Philippe Collin se décide à mener, avec rigueur, une enquête précise et factuelle sur l’ancien Maréchal, on ne peut que se réjouir de voir la précision historique prendre le dessus sur les récupérations politiques.
Avec Le fantôme de Philippe Pétain, publié aux éditions Flammarion, Philippe Collin se livre donc à une forme d’autopsie de cette figure centrale du XXe siècle français. De l’enfant du second empire, grandissant dans un cercle familial singulier, en passant par l’homme de Verdun, pour finir au vieillard de Montoire, Philippe Collin trace des lignes de continuité dans un parcours que d’aucun se plaisent à fragmenter.
C’est qu’au fil des années, une vérité non historique bien pratique s’est peu à peu imposée. En somme il y aurait le Pétain de 14-18, figure héroïque, et celui de 39/45, figure de déchéance. Entre les deux, rien à signaler. Avant pas mieux. Après idem. C’est oublié que le caractère de Pétain, ses références culturelles, sociales se fondent dans le 19e siècle, c’est oublier aussi que sa figure politique a fortement évolué dans l’entre deux guerres, c’est enfin occulter l’âge avancé de l’homme tragique du 17 juin.
Ne cherchez pas dans cette étude le début d’une tentative de réhabilitation, ni le réquisitoire d’un procureur. L’approche assez singulière (des interviews séquencées, avec des points de vue à la fois complémentaires et différents) permet de dresser un portrait. Celui d’un homme et de son époque. Philippe Pétain est devenu, par la force des choses, un personnage historique. Il doit donc aujourd’hui souffrir d’un traitement historique de son cas. C’est chose faite ici, et c’est tan mieux.
