Ce n’est pas une étude historique, c’est une fresque. Une fresque qui donne vie à tout un imaginaire collectif. Les dimensions sont immenses, durée, temps, géographie… Et en même temps, derrière ce nom un peu magique (effrayant aussi) de Conquistadors, les repères manquent. On connait Colomb, on devine Cortès, l’or du Mexique et les civilisations millénaires nous parlent, mais le lecteur peu averti peine à remettre de l’ordre dans cette image d’Epinal mal taillée. Ca c’était avant Les Conquistadors de Fernando Cervantes, publié aux éditions Perrin.
Chacun se souvient de cette belle histoire. Christophe Colomb mettant le cap à l’ouest pour trouver une nouvelle route des Indes et qui, après un voyage trop long, découvre un territoire inconnu. Voilà pour la légende, avec sa part de vérité et d’imprécision comme toujours.
Dans ses Conquistadors, Fernando Cervantes réussit un exercice toujours délicat pour l’historien, garder la vie sans perdre le sens. Garder l’imaginaire sans tomber dans l’approximatif ou le récit mythifié. On s’attendait à une étude rigoureuse, on craignait un niveau de détail trop technique, et on se retrouve plongé en pleine renaissance européenne, on traverse les lignes de forces continentales tout en en se projetant dans cet ailleurs en devenir. C’est un tour de force. (à lire chez le même éditeur).
Les personnages prennent vie, s’animent. Derrière la figure forcément clivante d’un Hernan Cortes, on comprend les enjeux politiques, religieux et financiers des conquistadors. Splendeurs et misères de l’Europe renaissante, comme un miroir du temps. L’épopée glorieuse des 15e et 16e siècle trouve dans notre modernité un écho différent. Les héros d’hier se troublent à mesure que de nouvelles mentalités et de nouvelles lecture émergent. L’habilité de Fernando Cervantes, c’est de proposer un livre pour comprendre cette époque dans sa singularité et sa complexité, en évitant le piège du procès à charge ou de l’amnistie.