« Pour la France et la Russie être unies c’est être fortes, se trouver séparées c’est se trouver en danger. En vérité il y a là comme un impératif catégorique de la géographie, de l’expérience et du bon sens », voici le genre de citations qui, en ce moment, ont le mérite de poser le débat. Ajouter au caractère corrosif du verbe le fait qu’il soit du Général de Gaulle, l’homme que l’on se plait à citer à tort et souvent à travers (ce papier ne faisant pas exception) et l’on comprend que le propos réclame un minimum de recul pour être appréhendé. Alexandre Jevakhoff avec son De Gaulle et la Russie, publié chez Perrin, nous offre une clé de lecture aussi utile que tragiquement contemporaine.
Il y a des calendrier éditoriaux qui collent à l’actualité, aussi sombre soit-elle. Aussi cet essai de Alexandre Jevakhoff prend au regard de la guerre en Ukraine une dimension nouvelle et on est forcément tenté de trouver dans ces pages un sens caché pour comprendre notre présent. L’exercice est périlleux, les raccourcis tentants. (A lire chez le même éditeur).
C’est que le monde de de Gaulle, son bagage culturel s’encre définitivement dans le 19e siècle et que ses rapports avec la Russie sont donc fondés sur des équilibres politiques qui, s’il restent toujours présents plus de 100 ans plus tard, ont singulièrement évolué.
Entre de Gaulle et la Russie c’est un peu je t’aime moi non plus. Entre le jeune militaire aux rêves de grandeur et le vieux politique fatigué, la Russie fait office de fil rouge, tantôt désirée, tantôt décriée, tantôt utile, tantôt inquiétante… les rapports évoluent à mesure que la donne militaire ou politique change.
Alors, puisque le raccourci est tentant, et puisque ce papier sera lu à l’aune de son époque, que peut on essayer de retenir des amours russes contrariés du Général. Sans trop se risquer, on peut avancer deux enseignements. D’une part, l’impossibilité pour la France (et a foriciori l’Europe) de se penser sans la Russie, de l’autre la nécessité de trouver en permanence les chemins du dialogue.
Ps: comme il est de bon ton de terminer un article par une citation, ne résistons pas la tentation :
« Je crois que si, dans l’état actuel du monde, des actes hostiles s’engageaient, on ne voit pas trop comment il serait possible de les limiter. En tout cas, c’est une aventure. Il vaut peut être mieux se dire les uns les autres : « parlez-moi d’amour! » ».