La Russie est passée à l’offensive contre l’Ukraine. Après avoir reconnu l’indépendance des territoires séparatistes de l’est du pays, le président russe Vladimir Poutine a ordonné le bombardement de certaines villes et l’avancée des troupes. Face à cette invasion l’Union Européenne et les Etats-Unis répondent par des sanctions économiques. De quoi susciter « quelques craintes chez les entrepreneurs implantés en Russie et en Ukraine » constate Jacques Sapir, directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.
La guerre du porte-monnaie a débuté. Reste à savoir quel sera l’impact des sanctions occidentales et des représailles russes sur les entreprises françaises basées dans la zone du conflit. Sur ce point le ministre de l’Economie se montre rassurant. Bruno Le Maire a martelé qu’en 2021, « les exportations vers la Russie cumulaient à 6,5 milliards d’euros, soit seulement 1,3% des exportations françaises ». Le locataire de Bercy a également rappelé que la France importe 9,7 milliards d’euros par an de la Russie. Il s’agit principalement de ressources en gaz.
Une confiance maintenue malgré le conflit en Ukraine
En termes de balance commerciale, Paris présente donc un léger déficit commercial et affirme ne pas être en situation de « dépendance ». Un sens dans lequel abonde Jacques Sapir, directeur d’études à l’EHESS : « la Russie reste une véritable puissance géopolitique et militaire, mais c’est un nain économiquement ». Le PIB russe représente par exemple un peu moins de 60% du PIB français. En conséquence, « une guerre économique serait plus coûteuse pour la Russie que pour la France », rajoute l’expert. De plus, les sanctions économiques privant les entreprises et les banques russes d’accès aux marchés européens et américains auront de lourdes conséquences. Le pays subit déjà une forte inflation de 8% qui est appelée à augmenter dans les semaines à venir.
Actuellement, 700 filiales d’entreprises françaises sont implantées sur le territoire russe et 160 en Ukraine. Néanmoins, « ces filiales ont une importance relativement limitée à l’échelle du groupe auquel elles appartiennent », assure Jacques Sapir. De quoi limiter les risques, d’autant plus que les Russes ont tout intérêt à les préserver. En effet, ces filiales emploieraient 200.000 travailleurs russes, faisant de la France « le premier recruteur étranger en Russie », précise le directeur d’études. Particulièrement dans les domaines de l’automobile avec Renault, de la grande distribution avec Auchan et des hydrocarbures avec Total.
Même dans le pire scénario, si ces filiales devaient quitter le territoire, « les groupes plus implantés ont de grosses parts de marché hors Russie pour subir le choc sans trop de dégâts », assure Jacques Sapir. A titre d’exemple, pour Renault, le marché russe ne représente que 13% de son chiffre d’affaires annuel.
Quelques signes d’inquiétude
Pour Jacques Sapir, le seul risque concerne plutôt des PME industrielles fortement dépendantes de leur implantation russe, à hauteur de 40% ou 50% de leur bénéfice. Autre potentielle victime des sanctions occidentales contre la Russie : les banques. Société Générale, fortement présente en Russie via sa filiale Rosbank paraît plutôt exposée. C’est en effet un poids lourd du secteur bancaire russe (600 millions de chiffre d’affaires), bloqué par les sanctions occidentales. Idem pour Engie, partie prenante du programme de gazoduc Nord Stream 2, qui n’a pas fait de commentaire après la suspension du projet par l’Allemagne.
La tonalité n’est pas non plus à la confiance à la FNSEA. La présidente du syndicat agricole français, Christiane Lambert, évoque même « de fortes inquiétudes », en rappelant que le secteur avait été le premier ciblé par Moscou en 2014, lors des premières tensions en Ukraine.