« Lâche soulagement ». Le mot est de Léon Blum, au lendemain des accords de Munich. L’Allemagne vient de faire main basse, légalement, sur les territoires frontaliers des Sudètes. Les démocraties, Angleterre et France en tête, se satisfont de cet abandon pour préserver, pensent-elles, la paix à long terme. Et chacun de revoir l’image d’un Chamberlain (alors premier ministre britannique), au sortir de son avion, brandissant fièrement la fragile garantie de paix. Ce qui rétrospectivement nous apparaît comme le point d’orgue du renoncement européen fut perçu à l’époque comme une victoire diplomatique. Notre lecture téléologique de l’histoire tend toujours à nous faire juger les faits à l’aune de leurs conséquences futures.
Au sortir de la boucherie de 14-18, ils étaient peu nombreux, politiques, citoyens, militaires, à vouloir d’une nouvelle guerre avec l’Allemagne. Il y avait bien Churchill, mais qui écoutait vraiment cet ancien Premier Lord de l’Amirauté complètement marginalisé. Non, clairement, chez les hommes de gauche, du centre et de droite, les temps étaient aux concessions fatalistes. Pourquoi engager l’Europe dans un bain de sang pour ces lointaines Sudètes ? Qui se souciait vraiment de ce pays, mal pensé, qu’était la Tchécoslovaquie ?
Dans l’avion qui le ramenait de Munich, Daladier alors président du conseil, avait peur. On l’avait informé d’une foule présente en masse sur le tarmac. Le lynchage s’annonçait. Il ouvre la porte de l’appareil, descend et on l’acclame. La France veut la paix, à tout prix. « Ah les cons. S’ils savaient ». Le mot de Daladier est historique, il dit tout finalement.
Chacun comprend bien la ficelle (très grosse) de ce coup de rétroviseur historique. Chacun comprend bien que le propre de l’histoire est de se répéter. Chacun comprend bien que les renoncements, quels qu’ils soient, ne sont jamais complètement neutres.