Lassée de voir des vêtements fripés sur le Bon Coin, Marie de Longvilliers a lancé en 2016 sa propre plateforme de vente en ligne de vêtements d’occasion pour enfants. Une reconversion dans un secteur en plein essor, mais surtout une reconversion salvatrice pour cette ancienne communicante qui a trouvé son équilibre dans l’entrepreneuriat. Entretien.
L’occasion n’est plus un gros mot pour les Français. Ils sont plus de 30 % à avoir déjà acheté des vêtements ayant eu une première vie, contre 16% en 2018 selon l’institut d’études Kantar. Un engouement voué à perdurer puisque 41% des Français souhaitent acheter des vêtements de « seconde main » au cours des 12 prochains mois.
Cette évolution dans les mentalités et cet intérêt pour le « seconde main », Marie de Longvilliers l’a bien senti. En 2016, alors qu’elle est rentrée de congé maternité depuis un an, elle quitte son emploi salarié dans une agence de communication pour lancer Il Etait Plusieurs Fois, un e-shop de mode d’occasion pour enfant de 0 à 16 ans. Cette plateforme a un objectif : redorer le blason légèrement poussiéreux de la seconde main.
Comment est née l’idée de lancer Il Etait Plusieurs Fois ?
Marie de Longvilliers : Avec mon associée, nous étions jeunes mamans et on s’est retrouvées avec beaucoup de vêtements sur les bras sans trop savoir quoi en faire. À l’époque, il n’y avait que Le Bon Coin qui ne véhiculait pas une image très qualitative sur les vêtements seconde main : photos floues, affaires en boule, etc. On a donc décidé de créer notre propre plateforme de rachat performant et efficace qui valorise les produits. Nous les trions, les repassons et les envoyons à nos clients dans les meilleures conditions. L’idée était de faciliter la vie des parents tout en luttant contre le gaspillage.
Comment cela fonctionne concrètement ?
ML : Le vêtement arrive à l’entrepôt, il est ensuite trié à la main par l’équipe, passe ensuite au repassage puis est mis en ligne. Les vêtements qui ne rentrent pas dans nos critères qualitatifs sont soient renvoyés aux parents, soient donnés à une association partenaire. Des ambassadrices se déplacent aussi chez les parents pour les aider à faire le tri. Nous misons sur des marques qui se tiennent bien au lavage et peuvent avoir une seconde vie. Nous ne prenons pas les marques distributeurs par exemple.
Avant Il Etait Plusieurs Fois, que faisiez-vous ?
ML : Avant de créer notre entreprise en 2016, je travaillais à Paris dans une agence de communication et mon associée était RH. Je crois que j’ai eu un déclic après la naissance de mon premier enfant. Un an après mon retour au travail, j’ai décidé de me lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat. Nous avons toutes les deux quitté la capitale pour nous installer à Nantes et l’aventure à commencé.
Cela a toujours été une évidence pour vous, d’être entrepreneur ?
ML : Oui, cela a toujours été dans ma nature. J’ai toujours su que je monterai un jour mon entreprise. Ma grossesse a vraiment été un déclic, et non un frein pour ce projet. Cela a été l’opportunité que j’attendais pour créer le métier dont je rêvais.
Être entrepreneur, femme et mère, cela vous a créé des obstacles ?
ML : Mon employeur a très bien pris la nouvelle quand je lui ai annoncé que je partais. Après, cela nous est souvent arrivé qu’on nous demande si ce projet était notre « occupation », comme une sorte de passe-temps, alors qu’on travaillait comme des folles. Je pense que ça ne serait pas arrivé à un homme.
Pourquoi avoir choisi le secteur de la seconde main ?
ML : Les plateformes déjà existantes à l’époque proposaient souvent de mettre directement en relation les consommateurs et ne poussaient pas à l’achat avec une image parfois poussiéreuse et peu qualitative. Avec Il Etait Plusieurs Fois, nous avons voulu mettre en avant la qualité de notre service.
Comment avez-vous réussi à vous faire connaître auprès des clients ?
ML : On a toujours misé sur la communauté avec plus de 100 000 personnes nous suivent entre Facebook et Instagram. On a aussi cherché à personnaliser la marque en montrant tout : ce qui fonctionnait, les échecs et les succès. On a été très transparentes et avec le bouche à oreille et le très peu d’acteurs présents à l’époque : ça a marché.
Depuis 2016, comment a évolué l’entreprise et comment vous projetez vous ?
ML : Au début, on travaillait toutes les deux de chez nous. Puis nous avons eu un bureau de 70 m2. Quelques années plus tard, nous avons pu embaucher notre premier employé, et aujourd’hui nous avons un entrepôt de 2 000 m2 et une trentaine de salariés qui trie, repasse, et met en ligne 1 800 produits par jour. Nous fêtons nos 5 ans dans une semaine et nous avons encore de beaux jours devant nous avec une levée de fonds conséquente qui devrait se concrétiser d’ici la fin de l’année.
Quel regard portez-vous sur votre parcours ?
ML : Jamais je ne regretterai mon parcours. Le salariat n’était vraiment pas fait pour moi. Je suis fière de ce que nous avons accompli, car au départ, il n’y avait pas de marché. Jamais on n’aurait pu imaginer que ça prendrait cette dimension.
C’est important pour vous de créer de l’emploi ?
ML : Oui, très. C’est très fort d’embaucher son tout premier salarié. On se demande si on va pouvoir payer son salaire à la fin du mois. Ce qui est surtout important, c’est de voir que les personnes sont heureuses de venir travailler chez nous. Dans mon ancien travail, je n’étais pas épanouie, et je me suis toujours dit que quand je créerais de l’emploi, j’aurais une relation de proximité avec mes employés, pour les aider, les écouter, être présent. Pour moi, c’est une famille.