Le 3 novembre dernier, la newsletter Les Glorieuses lançait un communiqué choc. D’après le collectif les inégalités salariales entre les femmes et les hommes sont telles que les femmes « travaillent gratuitement à partir de 9h22 aujourd’hui ». Une information relayée par de nombreux médias et plusieurs personnalités politiques. Si le sexisme est effectivement la cause d’une inégalité salariale en France, l’affirmation du collectif n’est toutefois pas exacte.
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Le hashtag #3novembre9h22 a fait le tour des réseaux sociaux le 3 novembre dernier. Il émane du collectif Les Glorieuses, une newsletter féministe produite depuis 2015 par l’entreprise Gloria Médias. Chaque année cette rédaction effectue un calcul pour sensibiliser l’opinion publique aux écarts de salaires entre les femmes et les hommes. Une manière aussi d’interpeller les candidats à l’élection présidentielle à quelques mois de l’échéance. A la newsletter s’ajoute également une pétition destinée à dénoncer cette discrimination sexiste au sein du monde du travail.
Dans cet optique très louable, le collectif Les Glorieuses a donc opté, cette année, pour la formule choc : « le 3 novembre 2021 à 9h22 marque l’instant à partir duquel les femmes commencent à travailler bénévolement ». Une phrase qui souligne l’ampleur des inégalités salariales en France. En clair, les hommes perçoivent un salaire du 1er janvier jusqu’au 31 décembre. A l’inverse les femmes, elles, sont rémunérés uniquement jusqu’au 3 novembre.
Un calcul biaisé sur les inégalités salariales entre les femmes et les hommes
Or, la déclaration dans le communiqué se fonde sur un calcul basé sur les données d’Eurostat. Toutefois, la newsletter évoque « une augmentation des inégalités femmes-hommes en 2021 », alors qu’Eurostat ne publie pas les données de 2020 ou de 2021 mais seulement celles de… 2019.
Ainsi derrière les affirmations de certains médias se cache néanmoins une réalité plus contrastée. Par exemple, le quotidien Le Monde a présenté une courbe annonçant également une hausse des inégalités de salaires en 2021. Cependant le lien permettant d’accéder aux sources du graphique conduit automatiquement sur le tableau de données d’Eurostat, qui lui indique une légère baisse.
Et pourtant le problème des écarts de revenus entre les hommes et les femmes est plus complexe qu’il n’y parait. Un état de fait souligné d’ailleurs dans l’introduction du tableau d’Eurostat. L’indicateur a été défini comme « non ajusté », puisqu’il donne « une vue d’ensemble des inégalités entre les hommes et les femmes » sur le plan de la rémunération. Cependant Eurostat reconnait que les données ne permettent pas d’évaluer l’égalité des revenus à poste égal. Ainsi la fameuse phrase de la newsletter Les Glorieuses semble perdre son sens.
Des inégalités de salaires pourtant bien réelles
Les déclarations faussées de la rédaction féministe et leur reprise par certains médias posent malgré tout un problème plus large. En effet, ces quelques imprécisions risquent de décrédibiliser le discours qui dénonce les inégalités. Cela pourrait nourrir le discours qui vise à minimiser, voire nier, les écarts de salaires entre femmes et hommes. Des écarts qui, malheureusement, sont bel et bien existants.
Encore aujourd’hui en France, selon l’ONG Oxfam, les hommes restent rémunérés en moyenne 28,5% de plus que les femmes. A poste et compétences égales, l’écart salarial est de 9%. Dans le détail, d’après l’INSEE, les 10% des femmes les moins bien rémunérées ont un salaire inférieur de 7% à celui des hommes. Tandis qu’en haut de la pyramide des revenus, les 1% des femmes les mieux rémunérées gagnent un salaire inférieur de 34% à celui des hommes les mieux payés. La différence s’explique notamment par le fait que les femmes accèdent plus difficilement à des postes de direction. En outre elles sont souvent peu représentées dans certains métiers très rémunérateurs.
Ainsi, il faut noter que ces inégalités salariales découlent d’autres inégalités dont sont victimes les femmes. Notamment le fait qu’elles occupent davantage les emplois les plus précaires ou ceux qui s’exercent à temps partiel. Enfin l’autre injustice qui résulte de la structure actuelle du monde du travail est la durée du congé parental. Beaucoup plus court pour les hommes que pour les femmes, ce qui provoque une coupure dans l’ascension professionnelle de ces dernières.