On avait découvert (sûrement trop tard) Angel Wagenstein avec son Pentateuque ou les 5 livres d’Isaac. Et, comme tout bon nouveau converti qui se respecte, on s’est lancé avec une boulimie à ressort dans l’œuvre de l’auteur bulgare. Au programme aujourd’hui, Abraham le poivrot, loin de Tolède.
Il y a des univers qui, pendant un temps très long, nous sont strictement inconnus. Et puis, un jour, au hasard d’une lecture, d’une rencontre, on découvre tout un pan de culture dont on s’éprend aussi tôt. L’auteur nous était inconnu la veille, et en quelques heures, il devient une référence, un incontournable. Et, par une forme de snobisme élitiste, on classe les autres selon deux catégories bien hermétiques, ceux qui savent, et les autres.
Voilà donc, en résumé, et avec une dose plus ou moins subtile d’hyperbole, l’effet que peut produire Angel Wagenstein. Venons en donc au sujet de cet article : Abraham le poivrot loin de Tolède aux éditions Autrement. L’histoire en résumé :
« Albert Cohen, dit Berto, Bulgare exilé en Israël, rentre dans sa ville natale de Plovdiv le temps d’un colloque. Et c’est soudain tout le monde bigarré, cosmopolite et chaotique de son enfance qui lui revient en mémoire. Son grand-père Abraham, maître ferblantier, ivrogne invétéré, philosophe à sa manière et affabulateur de génie, est la figure de proue de ces souvenirs. »
C’est une carte postale de la Bulgarie, celle d’avant et celle d’aujourd’hui. Une Bulgarie qui oscille entre coexistence religieuse, rivalités et corruptions. Dans cette fresque, on retrouve les ingrédients qui font d’Angel Wagenstein un auteur redoutable, de l’humeur grinçant, de l’ironie, une fausse naïveté, une forme de nostalgie récurrente. On se prend surtout, au fil des pages, à se lier de sympathie pour un univers dont on ignorait à peu près tout, pour des personnages dont on attendait à peu près rien.