Isabelle de Silva quitte ses fonctions à la tête de l’Autorité de la concurrence. Après cinq ans à la présidence du gendarme français de l’antitrust, l’exécutif a choisi de ne pas renouveler son mandat. Une décision qui a « un peu surpris » l’intéressée, très engagée dans la lutte contre le monopole des géants du numérique.
« J’espérais continuer, je suis donc un petit peu surprise mais je respecte la volonté du président de la République » confie Isabelle de Silva. La conseillère d’Etat ne briguera effectivement pas un second mandat à la tête de l’Autorité de la concurrence. En poste depuis cinq, Isabelle de Silva avait succédé à Bruno Lassserre pour diriger le gendarme français de l’antitrust. L’autorité doit statuer sur les fusions, acquisitions et les abus de position dominante des entreprises.
Une présidente de l’Autorité de la concurrence « trop méfiante »
Toutefois le non-renouvellement d’Isabelle de Silva pose question. En effet, les deux derniers chefs du gouvernement ont salué le travail de la présidente. Elle s’est illustrée à la tête de cette autorité indépendante notamment en contestant la mainmise des GAFAM sur le marché du numérique.
D’après une source consultée par le journal Les Echos, Isabelle de Silva « payerait le prix de sa méfiance à propos de la fusion entre TF1 et M6″. Ce mariage entre les deux premiers groupes audiovisuels privés a pourtant reçu le soutien du gouvernement. La ministre de la Culture Roselyne Bachelot l’a approuvé, de même qu’Emmanuel Macron. L’exécutif aurait donc souhaité éviter le maximum d’obstacles à cette union. L’ex-présidente de l’Autorité de la concurrence n’a jamais caché sa réticence envers ce projet. « Envisager qu’un groupe détienne 70% de part de marché dans le domaine de la publicité audiovisuelle parait impossible » a affirmé Isabelle de Silva. Une déclaration qui intervient alors qu’elle venait d’apprendre que le président ne renouvellerait pas ses fonctions.
« Envisager qu’un groupe détienne 70% de part de marché dans le domaine de la publicité audiovisuelle parait impossible »
Cependant, le gouvernement ne peut dévoyer la mission de l’arbitre de la concurrence en nommant une personnalité davantage « pro-business ». Un président de l’Autorité peut certes orienter le travail de ses équipes mais reste encadré par le droit. D’autant que les décisions sur les dossiers sensibles sont prises à la suite d’une instruction basée sur des enquêtes. De plus le Conseil d’Etat peut contester en appel les décisions du gendarme de la concurrence. Il semble donc impossible de soumettre l’Autorité de la concurrence au bon vouloir des politiques. Il n’y a qu’en cas risque pour l’emploi que le ministre de l’Economie peut bloquer un avis de l’Autorité de la Concurrence.
Le gendarme de l’antitrust doit conserver son indépendance à tout prix
Ainsi la préservation de son indépendance est donc un combat de tous les jours pour l’antitrust français. Et ce malgré les considérations politiques ou patriotiques. Un sujet d’une importance capitale alors que la mondialisation pousse de nombreuses entreprises tricolores à se rapprocher d’autres groupes étrangers afin de se renforcer. Des choix qui vont parfois à l’encontre des souhaits actuels d’un exécutif prônant la consolidation franco-française face aux rivaux extra-européens.
Autant de sujets sur lesquels devra se pencher le ou la successeur d’Isabelle de Silva. La personne sera désignée par le président de la République avant d’être auditionnée au Sénat et à l’Assemblée nationale. D’après plusieurs sources, le nom d’Anne Perrot, ancienne vice-présidente de l’antitrust, circulerait pour succéder à Isabelle de Silva. Pour l’heure c’est l’actuel vice-président de l’Autorité de la concurrence, Emmanuel Combe qui assure la direction par intérim.