On peut sans difficulté parler de grand roman. Avec Temps Sauvage, publié aux éditions Gallimard, Mario Vargas LLosa nous plonge au cœur d’un coup d’Etat oublié, dans un pays mal connu.
Churchill a (presque) toujours raison : « Je n’avais jamais entendu parler de ce satané Guatemala avant mes 79 ans ». Un peu pareil pour vous ? C’est donc ce pays un peu perdu au cœur de l’Amérique centrale qui sert de décor au dernier roman de Mario Vargas LLosa (à lire chez le même éditeur). En 1954, la CIA s’adonne à ce qui deviendra un des ses passe-temps favoris : la mise en place d’un coup d’Etat militaire. Jacobo Arbenz, président élu et suspecté, sans raison valable, de sympathies communistes est débarqué et remplacé par un régime plus accommodant. Voilà pour le contexte.
Si l’on voulait s’en tenir au fait, à leur ordonnancement, un livre d’histoire aurait suffi. Vargas LLosa penche plus vers le théâtre, la mise en scène. Il imagine le réel derrière les voiles, ouvre les portes fermées, passe par les fenêtres pour donner vie à ses heures sombres. Les personnages ne sont plus des noms, mais des hommes et femmes incarnés, avec leurs forces, leurs faiblesses, leurs travers.
Soyons honnête, le lecteur peu au fait de l’histoire guatémaltèque peut se perdre dans cette collection de portraits, dans cette narration syncopée. La réalité historique s’épaissie à mesure que les personnages s’affirment. La notion du temps devient floue, pas le sentiment d’urgence et de précarité de l’instant. On se retrouve littéralement plongé dans les coulisses de l’histoire, de palais présidentiel en bordel douteux, de conciliabules en confidences sur l’oreiller.
Mario Vargas Llosa fait partie de ces auteurs qui déçoivent rarement. Qui s’en plaindra ?