[Best-of] Si toutes les entreprises attachent beaucoup d’importance à la performance, elles sont pourtant nombreuses à la confondre avec la compétence ou la productivité. Que signifie réellement être performant ? L’entreprise est-elle un environnement propice à l’émergence de celle-ci ? Réponse de Fanny Nusbaum, docteure en psychologie, chercheuse en neurosciences à l’université Lyon-1 et auteure du livre « Secret des performants ».
Sportifs de haut niveau, artistes, chefs d’entreprises, certains semblent réussir tout ce qu’ils entreprennent. Ils ont ce petit plus, ce petit « je ne sais quoi » qui rend admiratif et qui les propulse au top niveau. Est-ce de la chance, du génie ou une intelligence hors norme qui hisse ces individus au sommet de leur art ? Fanny Nusbaum révèle les secrets de ces personnes qu’elle qualifie de performantes.
Bien comprendre la performance
Dans son livre « Secret de performants », Fanny Nusbaum dresse une définition de ce qu’est la performance. Pour cela, elle décrit tout d’abord l’intelligence comme un état. Un état dans lequel chaque individu peut entrer et où il pourra révéler ses capacités, quelles qu’elles soient. La performance est alors le plus haut degré de cet état d’intelligence, celui dans lequel l’essence même de ces capacités peuvent se révéler. Parce que chaque individu possède des capacités qui lui sont propres, tout le monde peut entrer en performance. Ceux que Fanny Nusbaum qualifie de performants sont alors des personnes qui, de manière générale, atteignent plus souvent et plus facilement cet état.
Ces individus possèdent trois points communs : la conscience totale, l’énergie et l’autonomie. En effet, les performants sont dans une conscience que Fanny Nusbaum qualifie de totale. C’est à dire qu’ils ne vont pas se focaliser sur un raisonnement linéaire mais au contraire avoir une vision à 360°. Une façon de penser qui leur permet de sentir les choses, de se fier à leur instinct et de passer moins de temps à raisonner. Un autre point commun partagé par les personnes dites performantes est leur énergie. De manière générale, cette énergie fait qu’elles vont plus facilement et plus rapidement déclencher l’action. Enfin, leur dernier point commun est leur grande autonomie mentale et émotionnelle. Celle-ci leur permet de sortir des sentiers battus, de suivre leur propre voie et ainsi de se montrer créatifs.
Fanny Nusbaum fait cependant la différence entre la compétence et la performance. Elle décrit en effet trois niveaux d’intelligence : l’antiphase, la compétence et la performance. En antiphase un individu se sent en décalage avec son environnement et se trouve souvent en situation d’échec. La compétence au contraire est un état dans lequel il s’adapte aux attentes de son environnement. Il ne produit rien d’extraordinaire mais fait pourtant ce qui est nécessaire pour être en phase avec son écosystème et remplir ses objectifs. C’est seulement en état de performance que l’individu déploie tout son potentiel pour créer quelque chose de remarquable : un effet « Wouahou ! » caractéristique de la performance. Mais pour qu’il y ait performance il faut un public. En effet, cet état repose sur un consensus social et n’existe qu’au sein d’un écosystème.
Le chef d’entreprise un être performant ?
Pour écrire son livre, Fanny Nusbaum a interrogé plusieurs personnalités identifiées comme performantes. Parmi elles se trouvaient de nombreux chefs d’entreprise. Alors bien sûr, tous les chefs d’entreprise ne sont pas performants. En revanche, l’état d’esprit de l’entrepreneur est probablement plus propice à la performance. « Les entrepreneurs sont des personnes qui osent et possèdent cette indépendance émotionnelle. C’est ce qui fait qu’ils ne se contenteront pas de rester dans les clous. Ils ne prennent pas les mêmes risques et n’ont pas le même rapport à la réalité que tout un chacun. » explique la psychologue.
Pour autant, la performance en entreprise n’est pas l’apanage du dirigeant. Tout le monde peut être performant. Un salarié à n’importe quel niveau hiérarchique peut entrer en performance. « Être performant c’est créer un effet « Wouahou ! ». L’essentiel c’est qu’il y ait eu, à un moment au moins, une paire d’yeux pour constater le caractère extraordinaire de son action. Cela peut arriver à un comptable dans une entreprise. S’il parvient à montrer sa différence de façon remarquable. » précise Fanny Nusbaum.
La docteure en psychologie ajoute d’ailleurs qu’il existe trois façons de performer : par l’argent, par des récompenses (prix ou médailles) et par la reconnaissance ou la notoriété. Si un individu est reconnu dans son activité, même s’il gagne peu d’argent et même s’il n’a reçu aucun prix, la seule reconnaissance des ses talents par sa communauté fait de lui un performant.
L’entreprise : un écosystème propice à la performance ?
Si le monde de l’entreprise semble très attaché à la performance, il ne représente pourtant pas l’environnement idéal pour la faire émerger. En effet, de nombreuses entreprises utilisent le terme de performance pour décrire en fait la compétence ou la productivité. « Le but de l’entreprise aujourd’hui est d’intégrer les personnes qu’elle recrute. Mais pour les intégrer il faut simplement qu’elles répondent à un certain cahier des charges. On ne leur demande pas d’exprimer le meilleur d’elles-mêmes ou d’être des personnes particulières. On leur demande simplement de faire comme tout le monde et de répondre aux besoins de l’entreprise. » analyse Fanny Nusbaum.
Malheureusement, tant que l’on demandera aux salariés de s’intégrer plutôt que de se différencier, on ne pourra pas obtenir de véritable performance au sein des entreprises. « On a beau se tartiner de communication non violente et de soft skills, cela ne provoquera pas davantage de performance. Alors que si l’on invite les gens à se présenter avec leurs différences, à montrer en quoi ils se démarquent dans l’entreprise plutôt qu’en quoi ils peuvent faire comme les autres, non seulement ils seront plus performants mais en plus ils seront plus heureux. » affirme Fanny Nusbaum.
Libérer la performance en entreprise
La docteure en psychologie insiste sur cette notion de bien-être. Elle rappelle que les dernières études publiées par Gallup montrent que 9% seulement des travailleurs se disent heureux dans leur travail. Et seulement 6% s’y sentent engagés. Quand on leur demande ce qui les rendrait plus heureux dans leur activité professionnelle, la réponse n’est pas de gagner plus d’argent, mais plutôt de donner du sens à ce qu’ils font, de se sentir utile et de constater qu’ils apportent quelque chose de plus que leur voisin. « C’est tout bête, ça parait évident mais les gens sont globalement malheureux parce qu’ils sont perçus comme des numéros interchangeables et qu’ils n’arrivent pas à faire la différence a minima en compétence et a maxima en performance. » précise Fanny Nusbaum.
Pour inviter davantage la performance en entreprise, l’auteure estime qu’il faut repenser notre façon de recruter. Aujourd’hui, on se base sur un recrutement fondé sur le QI et la philo-cognition. C’est à dire cette capacité à penser, à raisonner, à extrapoler. « C’est très bien la philo-cognition et elle est souvent liée à un QI élevé. Mais le QI, les grandes écoles etc, tout cela ne fait pas la performance. On peut très bien avoir un très gros QI et être non performant, ne pas être capable de créer quelque chose de plus grand. » conclut Fanny Nusbaum. Les entreprises gagneraient donc à ouvrir leurs portes à des personnes réellement différentes et ne plus se fier uniquement à leur idée erronée de l’intelligence.