Avouons-le, tout ce qui touche de près ou de loin à la Russie a une odeur de souffre. Rajoutez à cette image de marque déjà singulière le détournement d’un avion par le voisin (encombrant ?) Biélorusse, et vous obtenez donc cette ère de défiance à l’égard de ce qui reste, plus de 30 ans après le chute du Mur, une des plus grandes puissances mondiales.
C’est un pays aussi fascinant que clivant. Une culture, une forme d’ailleurs qui intrigue, attire. La Russie ne laisse jamais complétement neutre, elle porte en elle une part d’inconnu et de mystère, de romantisme et de violence, d’ombres aussi.
On célébrait il n’y a pas si longtemps l’armistice de la seconde guerre mondiale, le 8 en occident, le 9 en Russie, toujours ce décalage. De cette guerre mondiale, nous disposons surtout d’une lecture occidentale, portée par auteurs et des historiens occidentaux. Au rang des héros, des noms français un peu, anglais souvent, américains surtout, très rarement russes. Comme une histoire oubliée.
Aussi, quand Autrement décide de republier Les années de guerre de Vassili Grossman, on est tenté de jeter un regard neuf sur une histoire mal connue. D’abord parce que l’auteur est brillant, ensuite parce que le récit est passionnant. La littérature russe est une habituée des grands récits historiques, des fresques romanesques qui traversent les conflits. Si l’on cite à l’envie La Guerre et la Paix, on oublie les ouvrages modernes, à tort. C’est donc une plongée au cœur une Russie en guerre que nous offrait Grossman, une immersion dans les rues d’une Stalingrad en ruines.
Si l’ouvrage date, si les événements semblent lointains, ils portent en eux les germes d’une modernité male comprise et sur-clivée. Une modernité où histoire russe et occidentale se déploient en miroir et se rencontrent avec violence. Russie et occident comme deux mondes qui s’attirent et se rejettent.