Nous ne nous en doutons pas, mais l’argent que nous plaçons à la banque ne dort pas vraiment. Il circule, et en circulant finance sans que nous le sachions des industries polluantes. Aussi, l’écobanque Helios s’est donnée pour mission de dépolluer la banque en garantissant que notre argent ne financera que des projets respectueux de l’environnement. À l’occasion de l’évènement Change Now, qui se déroulera du 27 et 29 mai prochain, nous avons interviewé sa co-fondatrice Julia Ménayas.
La finance représente un puissant levier de transition environnementale. Imaginez plutôt. Si l’argent que nous dépensons ne servait qu’à financer des projets éthiques et éco-responsables, nous pourrions rapidement provoquer des changements conséquents dans nos industries et modes de consommation. C’est ce projet ambitieux que soutiennent des écobanques nouvelles générations comme Helios qui nous permettent de « reprendre le pouvoir sur notre épargne pour financer un futur durable. »
Helios s’est donnée pour mission de « dépolluer la banque », en quoi le système bancaire est-il polluant ?
Julia Ménayas : C’est une chose dont nous n’avons pas vraiment conscience, même au sein de notre écosystème très militant. On associe souvent la transition ou la pollution au transport, à l’alimentation mais rarement à la banque. C’est notamment dû à l’opacité de cette industrie. Mon associée, Maeva Courtois, était responsable des stratégies environnementales dans un fonds d’investissement. En montant cette activité, elle s’est rendue compte qu’aujourd’hui il existe de grosses différences entre les discours pro-climat des banques et leur réalité, qui n’est pas assez ambitieuse. Ce constat a été le point de départ d’Helios.
Le rapport 2019 d’Oxfam sur l’empreinte carbone des banques montre qu’en 2018, les six principales banques françaises ont émis l’équivalent de huit fois les émissions de gaz à effet de serre de la France sur une année. On peut questionner la méthodologie, mais la réalité est que la banque est un poste lourd d’émissions. Selon ce dernier rapport nous polluons plus via l’argent que nous déposons à la banque que via ce que nous consommons. Concrètement quand notre argent est placé sur un compte en banque, que ce soit un compte de dépôt ou d’épargne, il ne dort pas dans un coffre. L’argent circule. Il permet à la banque de créer des financements qui vont être à destination de particuliers, d’entreprises et d’industrie. Des industries sur lesquelles, en tant que particulier, nous n’avons pas du tout la main. Il peut s’agir d’industries qui menacent la biodiversité comme notamment les énergies fossiles, le pétrole, le gaz, le charbon, etc.
En quoi Helios est différente de ces banques traditionnelles ?
J. M : La première chose qui nous différencie, c’est la transparence. Nos clients savent où va l’argent qu’ils nous confient et ce qu’il finance. Concrètement, sur notre application, nous publions la liste de tous les financements que nous allons faire. Pour chacun d’eux nous expliquons où se trouve la plus-value environnementale et sociale. Nous expliquons pourquoi nous finançons ces projets-là en particulier et donc ce qu’ils peuvent apporter de positif à notre société.
Nous comptons maintenant 2500 clients grâce auxquels nous avons pu financer un premier projet : la centrale solaire Kwita Wije en Nouvelle Calédonie. Un projet porté par l’entreprise Akuo Energie qui permet de fournir 1700 foyers en électricité verte. C’est grâce à ce type de projet que nous souhaitons mettre les dépôts de chacun au service de la transition écologique.
Comment garantissez-vous le caractère éco-responsable des projets que vous financez ?
J. M : Il y a trois choses. La première c’est qu’Helios est une entreprise à mission. C’est à dire que nous sommes audités par un organisme tiers indépendant. Nous travaillons aussi main dans la main avec les parties prenantes : des ONG environnementales. Trois représentants d’ONG environnementales siègent donc à notre comité de mission et viennent challenger nos choix d’investissements. D’autre part, nous auditons nous-mêmes chaque entreprise que nous finançons…sous toutes les coutures.
Le troisième point, c’est qu’il n’existe pas une entreprise parfaite, donc nous essayons, en tant que financeur, de pointer les sujets d’amélioration et de mettre en place pour qu’elle puisse s’améliorer.
Qui sont vos clients et pourquoi font-ils appel à Helios ?
J.M : Nos clients ont en moyenne 38 ans. Ce sont de jeunes parents, des familles, des jeunes actifs. Nous touchons également beaucoup de personnes de plus de 60 ans. Étonnement, nos clients sont très différents. C’est un peu le reflet de la transition : peu importe l’âge et les origines, c’est un sujet qui intéresse un peu tout le monde.
Ils choisissent de venir chez Helios, parce qu’ils vont y trouver les mêmes services que dans une banque classique : gérer toutes leurs opérations depuis une seule application. Ils ont également accès à un conseiller qui est disponible par téléphone et messagerie. C’est toujours la même personne qui gère le même client depuis l’ouverture de son compte. Cerise sur le gâteau, nous avons lancé une carte bancaire en bois, produit durablement en Autriche. Cela représente une économie de 80% de plastique par rapport à une carte classique.
Helios propose-t-elle les mêmes produits bancaires qu’une banque traditionnelle ?
J. M : Pas encore, cela peut prendre du temps. Aujourd’hui, nous travaillons sur deux nouveaux produits : le compte joint et l’espace ordinateur. Ce sont nos clients qui suggérent des produits ou de nouvelles fonctionnalités sur l’application. Ils peuvent ensuite voter pour leur proposition favorite.
L’application est un véritable espace de débat, ce qui participe à la transparence d’Helios. C’est d’ailleurs quelque chose d’assez ancré dans la tradition des banques collaboratives. Nous essayons d’utiliser ces outils pour impliquer les clients et les parties prenantes dans la construction de notre projet. C’est déjà une révolution de prendre la main sur ce que finance son argent.
Vous parlez de révolution, pensez-vous que les banques éco-responsables et éthiques sont l’avenir du système bancaire ?
J.M : Si on regarde en arrière, il y a dix ans, les banques étaient bien différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. Il y a vraiment eu une révolution du digital dans les services bancaires : un usage très mobile et instantané. Il est aujourd’hui temps de faire la révolution écologique de la banque. J’espère que c’est le futur de la banque, en tout cas ce serait bien que ce le soit !
Ce n’est d’ailleurs pas tout noir dans les banques classiques. Il y a beaucoup de bonne volonté et pas mal de choses qui sont déjà mises en place. Ce qui manque de manière générale, c’est une conjoncture entre la concurrence sur le marché, la réglementation et une vraie volonté d’aller plus loin.
Du 27 et 29 mai 2021, Helios participera pour la première fois à l’évènement Change Now. Que représente cette rencontre pour vous ?
J.M : C’est, je pense, le plus bel évènement qui met en avant l’innovation environnementale en France. C’est un moment de célébration de ce qui se fait sur le marché français. Il rappelle que la France est très en avance sur ces sujets-là. Change Now, c’est aussi une vitrine pour la France et l’Europe sur les thématiques d’innovation environnementale.
Ce qui est intéressant, c’est qu’il existe beaucoup de ponts possibles entre les entreprises de l’écosystème d’entrepreneuriat social. Chez Helios, nous avons par exemple lancé un forum de partenaires, de fournisseurs d’énergie renouvelable, de plateforme de consommation durable, de circuits courts alimentaires. On se rend compte que c’est au travers des liens tissés au cœur de cet écosystème que l’on devient plus fort face aux géants industriels.