Slow fashion, slow food, slow sex… Le mouvement « slow life » trouve de plus en plus de résonance dans une société où la vitesse a été érigée comme vertu, notamment dans les entreprises. La réactivité, la rapidité, le multi-tasking sont des qualités qui sont étalées comme étendard aux entretiens d’embauche, laissant présager ce que l’entreprise attend de la part de son salarié. Et si les sociétés prenaient aussi le virage du slow ? Sans forcément nommer ce mouvement, de nombreuses entreprises ont sauté le pas. Zoom sur ce phénomène qui avance avec force mais sans fracas avec deux des trois auteurs du livre « Osez le slow en entreprise ! », Heidi Vincent et Delphine Poirier.
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Pourquoi vous êtes-vous lancés dans ce projet de livre ?
Heidi Vincent : J’ai été contactée par Dunod fin 2017 car j’animais des ateliers sur le marketing avec une démarche résolument slow, mais sans la citer. J’avais toujours en tête la durabilité et la prise de conscience des conséquences des décisions que nous prenons au quotidien. Je me suis d’abord focalisée sur le slow marketing, mais suite à mes recherches, j’ai voulu intégrer le design en invitant Keyne Dupont à rédiger ce livre avec moi. Puis j’ai rajouté la création de contenus en proposant aussi à Delphine Poirier d’être co-autrice. L’objectif de ce livre est de donner des outils concrets et tangibles, loin de l’image un peu utopiste, voire fausse, que certains ont du slow.
Le mouvement slow et l’entreprise, ce sont deux domaines complètement opposés non ?
Heidi Vincent : Complètement ! Surtout si on croit que ce mouvement prône la lenteur, ce qui n’est absolument pas le cas ! On reprend en fait les éléments de la slow food (NDLR : concept né dans les années 80, face à la recrudescence des fast food) : le bon, le propre et le juste.
En entreprise, on a transformé la notion de temps en créant la notion de durabilité. Quand on fait quelque chose, cela a forcément un impact, et il faut que celui-ci soit positif. Le slow s’est d’ailleurs déjà adapté à d’autres secteurs que la gastronomie : le tourisme, la mode et même le sexe. En fait, c’est tout simplement prendre conscience de nos actes et de leurs impacts.
Delphine Poirier : En clair, le slow ce n’est pas faire les choses lentement, mais prendre le temps de faire les choses bien. Ce concept est donc complètement transposable dans le milieu de l’entreprise qui a tendance à prôner la rapidité. Concrètement, le slow pousse à ne pas produire pour produire en perdant de vue ce pourquoi on le fait. Au contraire, il faut produire de manière raisonnée, dans le respect de la planète, et surtout produire quelque chose d’utile.
Alors le slow adapté à l’entreprise ça donne quoi ?
Heidi Vincent : Déjà, il faut savoir que chaque secteur a ses propres repères temporels. Par exemple, la réactivité est clé dans la logistique, mais moins dans les achats où il faut trouver le temps de chercher les bons fournisseurs. En fonction des acteurs, « l’échelle temps » est différente.
Dans les exemples concrets issus d’entreprises que nous donnons dans le livre, il y a cette volonté chez Camif de transformer les entretiens annuels – qui ont d’habitude lieu dans une salle de réunion de manière très officielle. En proposant au collaborateur de faire une balade de deux heures, cet entretien se transforme en vrai moment d’échanges. Cette balade permet des temps de pause, de réflexion. Le slow, c’est aussi tout simplement prendre le temps de discuter avec ses fournisseurs et ses distributeurs pour recréer une vision commune, comme le fait Triballat Noyal par exemple.
C’est un peu du bon sens en fait ?
Heidi Vincent : C’est ça ! Dans conscience, on entend « sens » et c’est juste du bon sens ! Mais notre société nous pousse tellement à faire vite tout le temps que ce bon sens n’est pas si évident parfois.
Quels conseils donneriez-vous à une entreprise qui veut passer au slow ?
Heidi Vincent : Il faut vous questionner, vous demander pourquoi vous faites tout ça. Le but est de retrouver le sens qui vous a fait vous lancer. Ensuite, vous pouvez interroger les salariés et toutes les parties prenantes (fournisseurs, etc.) de l’entreprise pour voir si vous allez tous dans le même sens.
Delphine Poirier : Il faut prendre les choses dans l’ordre. Avant de produire, du contenu par exemple, une entreprise doit se questionner sur sa raison d’être et remonter ce questionnement dans toutes les sphères de la société (marketing, RH…). Prenez le temps de réfléchir, définissez une offre et posez les bases avant d’avancer.