Bien plus qu’une lubie chauvine, les monnaies locales servent l’intérêt général. Elles représentent même des leviers puissants de la transition écologique. Le cas de la Gonette lyonnaise nous éclaire sur les nombreux avantages des monnaies locales.
Il existe dans le monde environ 1 500 monnaies locales. En France, nous en comptons 82 réparties sur l’ensemble du territoire. On trouve donc la Racine ou la Pêche à Paris. Les Bretons peuvent quant à eux régler leurs achats en Pezh, Buzuk ou Heol. À Lyon, c’est la Gonette qui circule dans les commerces de la ville. Cette monnaie locale et citoyenne doit son nom aux « gones » désignant les enfants dans le jargon lyonnais. Mais pourquoi payer en gonettes plutôt qu’en euros ? On vous explique.
Qu’est-ce qu’une monnaie locale et citoyenne ? L’exemple de la Gonette
La monnaie est un outil permettant le développement du commerce et des échanges. C’est en circulant qu’elle crée de la richesse. Pourtant, aujourd’hui seuls 2% de la masse monétaire disponible sert à des échanges réels de biens ou de services. Les 98% restant alimentent principalement la spéculation boursière.
La monnaie locale a donc pour ambition de replacer la monnaie à échelle humaine, la débarrasser de son usage spéculatif et ainsi la rendre plus utile au territoire. En effet, une monnaie locale s’échange entre les acteurs d’une même région et ne pourra pas en sortir. Elle ne peut pas non plus être placée en bourse, partir à l’étranger ou alimenter un compte épargne. Aussi, la monnaie locale a pour seul intérêt de circuler localement entre les acteurs adhérents et de créer de la richesse.
Dans le cas de la Gonette, tous les habitants du Rhône peuvent adhérer et intégrer le réseau. Ils peuvent y entrer à titre personnel ou en tant que professionnels, et transformer des euros en gonettes. Un euro équivaut à une gonette. De l’argent lyonnais qu’ils dépenseront uniquement auprès des autres entreprises locales acceptant cette monnaie. Aujourd’hui, le réseau de la Gonette rassemble 1 200 adhérents particuliers et 350 commerces et associations.
Entreprises : la monnaie locale comme levier d’engagement et de RSE
Techniquement, tous ceux qui souhaitent adhérer à la Gonette sont les bienvenus. Mais derrière cette monnaie se cache avant tout une ambition éthique qui est d’accompagner, grâce à l’argent, la transition écologique. L’association travaille donc sur une charte opposable. Celle-ci questionne l’adhésion d’entreprises dont l’activité ou les valeurs ne correspondraient pas au projet de la Gonette. « On ne veut pas s’associer à des entreprises qui vont alimenter le secteur pétrolier, le secteur pétrochimique ou des activités illégales » détaille Alice Flodrops, chargée de développement au sein de la Gonette. L’association s’interroge également quant à l’adhésion de grands groupes et de multinationales.Seraient-ils capables de jouer le jeu ? Est-ce qu’il ne faudrait pas justement, pour aider la transition, commencer à faire entrer ces groupes puissants dans le réseau et les accompagner sur ces enjeux ? Récemment, la question s’est notamment posée pour Veolia.
En effet, Veolia, en tant que multinationale du CAC 40 cotée en bourse, ne répondait pas, à première vue, aux critères éthiques chers à la Gonette. Mais c’est en fait Eau du Grand Lyon, la filiale du groupe en charge de la distribution de l’eau potable à Lyon qui a contacté la Gonette. Une activité qui revêt aux yeux de l’association une mission d’intérêt général. De plus, cette filiale souhaitait intégrer le réseau à l’initiative de salariés qui voulaient que leur entreprise s’engage encore davantage en faveur de la transition écologique. Une volonté RSE qui a su séduire les adhérents. « Entrer à la Gonette, techniquement, c’est plus de contraintes que d’avantages. Cela nécessite une réelle volonté d’engagement en faveur de la transition » souligne Alice Flodrops.
À l’issue d’une concertation démocratique en présence d’une centaine d’adhérents, une décision sous forme de compromis a été prise. La filiale de Veolia entre donc en mars 2021 dans le réseau Gonette pour une phase d’expérimentation de deux ans. L’avantage de ce partenariat sera notamment de permettre aux lyonnais de payer leur eau en gonettes. L’entreprise accepte cependant de ne pas changer les gonettes ainsi récoltées en euros, mais plutôt de les écouler en versant, dans la mesure du possible, une partie de ses salaires en gonettes. Pour accompagner cette mesure et donner envie aux salariés de recevoir et d’utiliser cette monnaie, l’association propose de les former sur son intérêt éthique au quotidien et de ce qui se cache derrière nos dépenses.
La Gonette au service de l’intérêt général et des entreprises engagées
Utiliser une monnaie locale présente un double avantage. D’abord, celui de faire circuler la monnaie dans un territoire donné et ainsi de créer de la richesse pour les entreprises locales. Mais aussi celui de participer concrètement à la transition écologique. Parce qu’en changeant ses euros en monnaie locale, l’utilisateur a la garantie que son argent finance un projet écoresponsable.
D’une part, parce que les entreprises acceptant de recevoir cette monnaie sont, pour la plupart, des entreprises sensibles à ces enjeux. D’autre part, parce que les euros changés sont placés sur des comptes en banques éthiques. Dans le cas de la Gonette, ils sont placés à la NEF et au Crédit coopératif. Ces banques financent uniquement des projets écoresponsables, solidaires et éthiques. Aussi, l’argent cotisé vient augmenter leur capacité à octroyer des prêts à des projets accompagnant la transition.
Finalement, on oublie assez facilement ce que représente la monnaie. Il s’agit pourtant d’un levier d’action puissant pour accompagner la transition, peut-être plus impactant que le zéro déchet ou la consommation en vrac. « Si aujourd’hui on ne mettait plus nos sous dans des banques qui financent des projets écocides, mais plutôt dans celles qui financent des projets éco-responsables, on pourrait rapidement accompagner la transition écologique » insiste Alice Flodrops.
Le réseau Sol fédérateur des monnaies locales de France
Mais si les monnaies locales sont par essence limitées à un territoire, celles-ci n’ont pas pour vocation de se refermer sur elles-mêmes. Bon nombre d’entre elles font donc partie du mouvement Sol qui vise à fédérer les monnaies locales de France. « L’intérêt c’est de se développer en mettant en commun nos bonnes pratiques. » explique Alice Flodrops.
Ainsi, un adhérent de la Gonette en visite à Paris n’aura pas besoin d’adhérer à nouveau à l’association parisienne pour pouvoir changer ses euros en racines ou en pêches, puisque toutes trois font partie du mouvement Sol. Il est alors très simple d’avoir un impact positif sur l’ensemble du territoire grâce à la monnaie.
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